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BARFLY

Évocation de la jeunesse et des premières amours tumultueuses du célèbre écrivain Charles Bukowski vue en partie par lui-même puisqu’il est le scénariste de « Barfly ». « Avec « Barfly », déclare Barbet Schroeder, j’ai voulu transposer à l’écran l’univers du poète. Il a écrit un scénario autobiographique sur l’amour de sa vie, le premier. 

Critique du film

Réalisé en 1987 par Barbet Schroeder, entre The Charles Bukowski tapes et Le Mystère Von Bulow, Barfly a été écrit par Charles Bukowski qui s’est inspiré de sa jeunesse et de sa rencontre avec une femme qu’il a aimée. Durant cette partie de sa vie, Bukowski commençait à écrire mais ses nouvelles étaient généralement refusées par les éditeurs. Le film a été produit par Menahem Golan et Yoram Globus, les deux dirigeants de la société Cannon, fameuse à l’époque, mais aussi par Francis Ford Coppola. Sean Penn avait été un temps envisagé pour tenir le rôle de l’écrivain sulfureux, mais c’est finalement Mickey Rourke qui fut engagé. 

Il faut rappeler que Mickey Rourke était alors à l’apogée de sa gloire, après avoir joué dans Rusty James, L’Année du dragon, 9 Semaines ½ ou Angel heart. Considéré comme le nouveau Marlon Brando, à la fois sex-symbol et grand acteur issu de l’Actor‘s Studio, l’acteur alors âgé de 35 ans allait aborder avec Barfly un rôle important, peut-être un de ses plus marquants avec ceux déjà cités – on peut aussi citer le rôle du catcheur vieillissant de The Wrestler de Darren Aronofsky, plus de vingt après – et livrait une interprétation très remarquée de Bukowski, avec un mimétisme et un engagement total, jusqu’à se casser volontairement une dent pour le rôle. 

Barfly reprend certains aspects de la vie de Bukowski : son histoire d’amour houleuse avec une femme aussi versée dans l’autodestruction et l’éthylisme que lui, sa relation, totalement improbable, avec son éditrice et une vie consacrée à la boisson et à l’écriture. Barfly c’est la rencontre de deux personnes alcooliques qui pensent être revenues de tout, mais qui prennent le risque d’avoir une relation. Faye Dunaway qui joue Wanda, cette femme volcanique rencontrée dans un bar fréquenté par des poivrots et des prostituées, lieu où Henry Chinaski provoque régulièrement le barman – Frank Stallone – qui finit généralement par se battre avec l’écrivain, ce qui donne lieu à des paris parmi les buveurs. On ignore l’origine de cette rivalité, mais ces bagarres homériques n’ont rien de glorieux. 

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Si la chute de Chinaski semble inexorable et sa vie un enfer poisseux, le destin offre parfois des parenthèses inattendues et des surprises comme le chèque d’un éditeur. L’écriture, la poésie sont d’autant plus urgentes que la vie cabosse l’âme et le corps et s’avère sordide et douloureuse. Le film offre des fulgurances, à l’image de la poésie de Charles Bukowski et du talent de ses interprètes. Le mystère de l’écriture – pourquoi écrire ? Pour qui ? Cela résout-il quelque chose ? –  fait partie des interrogations qui peuvent envahir le spectateur.  Esthétiquement très réussi, très bien photographié et éclairé, Barfly a été tourné dans d’authentiques bars de Los Angeles. « Être un ivrogne demande du talent, de l’endurance » affirme Chinaski. Le parcours du personnage principal semble circulaire, sans issue. Pas de vraie rédemption ou repos, pas de rémission, mais la possibilité de transcender son chemin de croix personnel à travers des récits, des poèmes, mais aussi des moments fugaces avec une femme désirée, peut-être même aimée. Si des moments très durs parsèment la destinée de Chinaski, l’humour – souvent noir – et la tendresse ont aussi leur place. 

Autour de Mickey Rourke et de Faye Dunaway, excellents dans des rôles de losers magnifiques, on trouve donc Frank Stallone, en barman soupe au lait et ennemi juré de Chinaski, mais aussi Alice Krige en éditrice, à la personnalité totalement différente de cet écrivain dont elle admire les textes. La réalisation de Barbet Schroeder, sobre et efficace, s’efface derrière son sujet et le metteur en scène était un grand admirateur de Bukowski. Il l’avait côtoyé avant la genèse de Barfly en 1979 -, avait lu tous ses ouvrages et ne tarissait pas d’éloges au sujet de cet homme controversé et à la personnalité complexe. Barfly a été un projet compliqué à monter et cet engouement pour cet écrivain, alliée à la force de caractère et à la pugnacité de Barbet Schroeder, fut très certainement un puissant moteur pour arriver à ce résultat. Présenté au Festival de Cannes en 1987, le film ne remporta aucun prix et connut un succès public moyen. Il s’agit pourtant d’un film réussi, attachant et singulier. 


On peut revoir Barfly, dans un combo Blu-Ray / DVD, édité par ESC Editions depuis le 7 août. Le film est accompagné de nombreux suppléments : leçon de cinéma avec Barbet Schroeder, Making of d’époque, un échange entre le réalisateur et Jean Douchet et des extraits des Bukowski tapes.

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