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BELOVED

Infirmière dévouée dans un hôpital de Tel-Aviv, Avigail mène une existence effacée entre sa fille adolescente et son mari Rashi. Le jour où ce dernier est ébranlé dans sa vie professionnelle, la fragilité de son couple lui apparaît brutalement. Elle réalise n’être plus vraiment maîtresse de ses choix de vie. Saura-t-elle se reconnecter à elle-même ? 

Critique du film

Chained et Beloved se répondent et peuvent être vus indépendamment. Mais il faut souligner la nécessité, pour réellement en apprécier la beauté et la diversité, de voir ces deux très beaux films et peut-être de les voir dans l’ordre  de leur sortie : il faudrait donc commencer par voir Chained et ensuite Beloved. Ces deux longs métrages partagent des caractéristiques formelles communes (pas de musique, aspect quasi documentaire, tournage dans des conditions qui font jaillir une spontanéité, une vérité de jeu rare, précieuse) mais s’avèrent très différents dans leurs thématiques. Aussi dissemblables que sont les personnages de Rashi et celui d’Avigail.

Autant Chained constitue un film à l’atmosphère pesante et comporte une idée d’enfermement sur soi, de violence et de recherche de contrôle, autant Beloved nous parle de féminité et d’ouverture à l’autre et à son moi profond. En tous cas de cette quête, avec sa face solaire, mais aussi sa face sombre et illusoire. Et son lot de souffrances inhérentes à toute démarche sincère et radicale.

Avigail a peur de perdre sa fille si elle lui met des limites. Elle pense que sa fille est dans une colère permanente contre elle. D’après une collègue, elle est la plus dévouée de l’hôpital. Mais à la maison, en famille, elle a finalement du mal à faire face. Et elle souffre doublement par rapport à son mari Rashi : elle n’arrive pas à lui offrir cet enfant qu’il souhaiterait tant et elle se rend compte que ses sentiments pour lui se sont considérablement émoussés.

Travail émotionnel

Avec Yael et d’autres femmes, Avigail part dans le nord d’Israël pour effectuer un travail sur soi, émotionnel qui lui permettrait de se reconnecter à elle-même et à donner naissance à un enfant après plusieurs fausses couches. Cette échappée produit quelques scènes magnifiques : les femmes entre elles libérées de leurs inhibitions et du regard de l’autre, un accouchement dans l’eau d’une grande intensité et plus tard cette scène où l’on coupe les tresses d’Avigail.

Le film garde des parcelles de mystères pour chaque personnages : Rashi, Avigail, mais aussi Yael et Na’ama. Comme dans Chained, on revient parfois sur ses impressions, son jugement sur un personnage, une situation. Rashi n’est-il pas finalement quelqu’un d’intrusif et violent ? Yael, la femme qui veut aider Avigail à faire un travail émotionnel n’est elle pas dans une forme de fuite. Et Na’Ama moins fermée qu’elle ne le paraît ? 

La vision de ce second volet ne répond pas à toutes les interrogations posées par le diptyque. Il reste des zones d’ombre et c’est sûrement en parfaite cohérence avec la démarche de Yaron Shani, son exigence de vérité et de complexité. Ce film où il est à la fois question de naissance et de fin de vie, où l’on parle également de la violence faite aux femmes et aux enfants touche avec une belle intensité par sa radicalité et son honnêteté dramaturgiques. Et, comme dans Chained, l’interprétation est exceptionnelle.

Bande-annonce

15 juillet 2020 – De Yaron Shani, avec Stav AlmagorOri ShaniLeah Tonic