BLACK ADAM
Dans l’antique Kahndaq, l’esclave Teth Adam avait reçu les super-pouvoirs des dieux. Mais il en a fait usage pour se venger et a fini en prison. Cinq millénaires plus tard, alors qu’il a été libéré, il fait régner sa conception très sombre de la justice dans le monde. Refusant de se rendre, Teth Adam doit affronter une bande de héros d’aujourd’hui qui composent la Justice Society – Hawkman, le Dr Fate, Atom Smasher et Cyclone – qui comptent bien le renvoyer en prison pour l’éternité.
Critique du film
DC Comics fut la première grande maison créatrice d’images à réussir à faire croire aux spectateurs qu’un homme pouvait voler. Richard Donner et son Superman en 1978 ont conquis le monde sous les traits du talentueux Christopher Reeves. Malgré quelques suites d’une qualité beaucoup plus médiocre, cet univers est quelque part retombé dans l’oubli et de retour dans ses pages illustrées où elle brille depuis les années 1930. L’élan donné par Marvel, le grand concurrent dans ce domaine, a relancé les possibilités d’exploitation de ces décennies d’histoires et sa foule de personnages. Fawcett Comics fut une marque, une maison pour de nombreux héros, dont le premier Captain Marvel, désormais nommé Shazam ! pour des raisons de droits évidentes. Au sein de ce petit microcosme devenu la propriété de DC dans les années 1970, on retrouve ce qu’on appelle un « anti-héros ». Si Billy Batson fut l’avatar contemporain du magicien Shazam, le concept était trop beau pour ne pas l’utiliser et faire s’incarner ce champion au travers du temps.
Ainsi Black Adam, alias Teth-Adam de son vrai nom, fut le héros de Kahndaq, une cité fictive du Proche-Orient inspirée des grandes villes mésopotamiennes du troisième millénaire avant notre ère. Détenteur du pouvoir du Sorcier, il se transforme en surhomme presque invulnérable en disant son nom. Tout comme le premier Captain Marvel, il est « le mortel le plus fort du monde », et cette maxime accolée à sa légende est tout sauf anodine tant elle définit ce type de spectacle. Dans sa stratégie de développement, DC copie Marvel et se construit un univers cinématographique où ses personnages co-existeraient, permettant toujours plus de joutes violentes. Car c’est bien cela le fond de commerce de ces nouveaux spectacles presque détachés du cinéma tellement ils attirent des foules dévouées en quête de sensations fortes. Si le film essaie de raconter vaguement une histoire d’équilibre entre le bien et le mal, il ramène chaque action d’Adam à sa force. S’il est un surhomme, il est surtout la manifestation de la colère et de la testostérone.
Pour servir cette entreprise minimaliste où l’on se bat plus qu’on ne parle, il est étonnant de constater la pauvreté de la mise en scène et de la direction artistique. Le recours abusif et systématique aux ralentis pour représenter chaque scène d’action dépeint une laideur confondante de chaque instant qui en devient presque gênante sur une longueur de deux heures. Si l’on attendait pas des dialogues de grande qualité, on pouvait au moins croire à une habileté dans la représentation de l’action et des combats qu’on allait nous proposer. La répétition de ces motifs jusqu’à la nausée, symbolisée par la succession de rixes entre Black Adam et Hawkeye, est à la limite du compréhensible. Aucun de ces nouveaux personnages n’est écrit ou expliqué : ils sont parce qu’ils agissent, à peine ont-ils un nom au-delà de ces gestes mécaniques qu’ils déploient sans conviction.
On nous présente une équipe de héros, la Justice Society, qui se trouve être la toute première équipe de justiciers créée au cœur des années 1940. Pourquoi sont-ils présents à Kahndaq ? La question ne voit pour ainsi dire aucune réponse se profiler, tout juste une logique interventionniste issue de nulle part, une bien mince excuse pour créer cet éternel rapport de force qui soude toutes les motivations de ce projet. Black Adam est le plus fort, le mâle ultime qui ne souffre aucune opposition. Cet argument publicitaire et la création d’un univers partagé sont les seules raisons d’existence du film tout droit tourné vers la seule adversité qui pourrait faire fléchir le géant incarné par Dwayne Johnson. La tristesse de ce constat destine toute la narration à être supportée par ces éternelles scènes post-génériques tant appréciées des fans, dans un dernier tour de passe-passe criant au monde que vive la virilité du héros et que disparaisse tout espoir d’avoir des divertissements intelligents et politiques.