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BLUE SUN PALACE

A New-York, un salon de massage chinois sert de refuge à Didi, Amy et leurs amies. Loin de leur pays d’origine, elles forment une vraie famille. Quand Didi disparaît, Cheung, son amant, tente de trouver avec Amy l’espoir d’une nouvelle vie…

Critique du film

Après Tout ira bien, Norah et Girls will be girls, Nour films continue d’avoir le nez creux et de nous faire parvenir les plus belles oeuvres venues d’Orient avec Blue Sun Palace, dont ils ont acquis les droits de distribution. Sortant sur nos écrans la même semaine que deux autres films indépendants à découvrir absolument, La convocation et Black box diaries, ce film récompensé à la Semaine de la Critique mérite tout autant de se frayer un chemin dans vos emplois du temps cinéphiles bien chargés ce mois-ci.

Premier long-métrage de la réalisatrice et scénariste sino-américaine Constance Tsang, Blue Sun Palace trouve sa genèse dans l’histoire personnelle de son auteure. Souhaitant renouer avec sa communauté et son quartier natal (Flushing), le récit s’est imposé à elle de façon salvatrice, mêlant souvenirs et désirs, comme pour tenter d’exorciser les fantômes du passé et la douleur de l’absence et de l’éloignement.

La première demi-heure, qui précède le carton-titre, nous présente Didi, avec son amant puis ses amies, avec qui elle vit et fait tourner le salon de massage qui leur permet de subvenir à leurs besoins. Eloignées de leur pays d’origine, et pour certaines de leurs proches, elles forment une famille recomposée, solidaire, complice et chaleureuse. Mais le jour du Nouvel An lunaire, alors que la foule défile dans la rue pour la parade festive, une tragédie survient et laisse place au choc et à la sidération.

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Jusqu’alors plein de vie et de tendresse, Blue Sun Palace change de ton pour emprunter une voie plus mélancolique et raconter la tentative de connexion de deux âmes esseulées et endeuillées dans le Chinatown new-yorkais. Dans cet environnement presque insulaire, où les commerces ressemblent à ceux de leur terre natale et où les habitant·e·s communiquent essentiellement en Mandarin, la vie suit son cours pour celles et celui qui restent. Les amies de Didi doivent continuer de gérer la clientèle (parfois abusive) du salon de massage, tandis que Cheung, l’amant solitaire, peine à joindre les deux bouts, devant envoyer de l’argent à sa mère et son épouse restées au pays, où il ne peut rentrer à cause de dettes impossibles à recouvrir.

Constance Tsang parvient à raconter la solitude profonde des immigrant·e·s, souvent livré·e·s à eux-mêmes dans un monde qui les perçoit uniquement comme étrangers. La mise en scène subtile laisse transparaître, dans les regards et les silences, le poids invisible de cet exil et celui, plus explicite à l’écran, de l’ostracisation. Le film se concentre sur la solitude intérieure de Li, qui se trouve à la fois coupée de ses racines et incapable de s’intégrer pleinement dans la société d’accueil.

Le deuil, comme l’immigration, est un autre fil rouge qui traverse le film : Li porte en elle la douleur de la perte de son amie, et cette absence se répercute dans ses interactions avec le monde extérieur. Tsang réussit à saisir le paradoxe d’une existence d’immigrée maintenue à la marge dans une métropole pourtant surpeuplée. La souffrance personnelle se mêle à celle du déracinement culturel, créant une atmosphère où chaque réaction ou dialogue prennent une signification supplémentaire.

La photographie, accompagnée d’une bande-son minimaliste et diégétique, renforce cette sensation de vide et d’introspection pour faire de Blue Sun Palace un superbe récit intime, brut de délicatesse et d’émotion, sur une quête de (re)construction dans un monde fragmenté et de plus en plus déshumanisé.

Bande-annonce

12 mars 2025 – De Constance Tsang