BURNING
Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, tombe par hasard sur Haemi, une jeune fille qui habitait auparavant son quartier. Elle lui demande de s’occuper de son chat pendant un voyage en Afrique. À son retour, Haemi lui présente Ben, un garçon mystérieux qu’elle a rencontré là-bas. Un jour, Ben leur révèle un bien étrange passe-temps…
Pendant que les champs brûlent.
Au sein d’une compétition cannoise éclectique et ambitieuse, le retour de Lee Chang-Dong, absent depuis son Prix du Scénario en 2010 pour Poetry, laissait espérer l’apparition d’un chapitre inédit de qualité dans la filmographie d’un cinéaste rare. En adaptant la nouvelle d’Haruki Murakami, Les Granges Brûlées, Lee Chang-Dong surpasse finalement ces belles attentes en transcendant la matière introspective de l’auteur dans une atmosphère contemplative brouillant les pistes entre les notions de réalité et d’illusion. Comme une flamme se consumant au fur et à mesure de son avancée, Burning appartient, en effet, à cette galerie de longs-métrages à infusion lente, faisant, petit à petit, son nid dans l’esprit du spectateur.
Lee Chang-Dong l’avoue lui-même : il ne « se passe rien » dans le texte original qui vaut principalement pour l’aura de mystère qu’il persiste à dégager. Pourtant, Burning raconte beaucoup de choses sur trois protagonistes aux prises avec des secrets qui les dépassent. Grâce, notamment, à l’excellence de son casting (le trio Yoo Ah-in/Steven Yeun/Jeon Jong-seo), le cinéaste coréen fait brillamment naître des personnages qui s’abîment dans des existences précaires ou, à l’inverse, s’ennuient dans d’autres rongées par la facilité. Dans ce triangle où les passions et les sentiments peinent à s’exprimer, chacun d’entre eux se met alors à tisser des rapports de force qui vont redéfinir leur perception du monde et d’autrui.
À l’écran, les granges sont devenues des serres mais le temps semble surtout s’être suspendu sous l’égide d’un metteur en scène imposant une gestion du rythme étonnante. En deux heures trente-huit, Lee Chang-Dong travaille sur le cours des minutes et des choses avec une maestria particulièrement impressionnante en réussissant le tour de force d’étirer les événements sans jamais paraître en proie à la complaisance. A contrario, le film gagne en intensité lorsqu’il retient ses déchaînements de fureur et installe un climat de paranoïa soutenu par une réalisation épatante. La maîtrise exhale ainsi de chaque plan, de chaque idée de séquence pour donner un long-métrage venimeux qui captive et hante durablement après le visionnage.
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