ÇA ARRIVE
Dans un commissariat du 1er arrondissement de Marseille, trois enquêteurs, deux hommes et une femme, font face aux récits des viols qui sont perpétrés quotidiennement dans la cité Phocéenne.
Critique du film
Ça arrive, écrit par Catherine Sorolla et Sabrina Nouchi et réalisé par cette dernière, prend place dans les locaux d’un commissariat du 1er arrondissement de Marseille et n’en sortira quasiment pas. Ayant pour sujet principal la question des violences sexuelles, de sa verbalisation au moment d’un dépôt de plainte et des procédures qui suivent et sont cruciales – examens médicaux et prophylaxie, proposition d’être aussi entendue par un psychologue -, ce film très abouti prend presque le ton d’un documentaire. Un grand nombre de cas de figures sont évoqués avec une grande intelligence, sans détours. La crédibilité vient de la précision avec laquelle sont décrites les procédures, et le fait de recourir à des comédiens peu connus accentue le réalisme et la possibilité d’identification avec les différents intervenants de ce long-métrage qui ne craint pas d’affronter la complexité, voire l’aspect insoluble de certaines interrogations.
Ce refus de la simplification et cette absence de généralisations définitives contribuent à faire de Ça arrive un film qui fera probablement date et qui pourra servir de référence, comme Quitter la nuit il y a quelques mois, tant en en qualité d’œuvre cinématographique que comme outil de travail et de réflexion. Ici, tous les protagonistes sont convoqués devant la caméra : les plaignantes, les accusés, les témoins et les écoutants, qu’ils soient officiers de Police Judiciaire ou soignants. Les très grandes qualités d’écriture et d’interprétation constituent un des atouts majeurs de ce film qui a remporté un très mérité Grand Prix du Film Long Métrage au dernier Festival Polar Cognac.
Tout est évoqué dans Ça arrive: le drame des affaires classées sans suite, la tentation du découragement chez celles et ceux qui écoutent, la culpabilité et la remise en question de certaines victimes qui cherchent en elles la cause de leur agression. Dans ce film d’une grande acuité, qui rejette tout raccourci, la problématique de la violence sexuelle est développée avec les questions inhérentes : le consentement, bien sûr, mais aussi l’effet de meute, les rapports hommes-femmes, la transphobie, la sexualité chez les mineurs ou entre un aidant et une personne handicapée.
L’humour n’est pas exclu et vient relâcher la tension à deux ou trois reprises, mais de façon toujours mesurée. Dans les rôles principaux, Andrea Dolente, Milo Chiarini et Catherine Sorolla déploient des interprétations sensibles, nuancées et fortes. Leurs personnages d’enquêteurs confrontées à des violences sexuelles quotidiennes, à des détresses qui ne savent pas toujours s’exprimer ou qui refusent de le faire, touchent beaucoup par leur mélange de ténacité et de vulnérabilité. Les autres interprètes, dans des personnages de collègues, de plaignantes, de témoins ou d’accusés sont trop nombreux pour être tous cités – ils sont une quarantaine – mais sont au diapason dans cette suite de récits de fractures, de drames et de crimes.
Ça arrive s’avère donc un long-métrage très réussi et percutant, qui refuse tout cliché et qui n’a pas peur d’explorer les zones d’inconfort et d’ouvrir des pistes de réflexion nécessaires et salutaires, sans avoir la prétention d’avoir toutes les réponses.
Bande-annonce
27 novembre 2024 – De Sabrina Nouchi, avec Catherine Sorolla, Milo Chiarini, Andrea Dolente