CHA CHA REAL SMOOTH
Etudiant fraichement diplômé mais un peu perdu, Andrew, 22 ans, est contraint de retourner vivre avec sa famille dans le New-Jersey. Particulièrement doué pour mettre l’ambiance, il décroche un job de chauffeur de salle lors des bat et bar mitsvas des amis de son petit frère. Lorsqu’il se lie d’amitié avec Domino, une jeune mère, et sa fille Lola, Andrew se découvre enfin une vocation, même si ce n’est pas forcément la sienne/celle qui lui correspond.
Critique du film
À seulement 25 ans, Cooper Raiff est en passe de devenir la nouvelle figure du cinéma indépendant américain. Après un passage remarqué en 2020 sur ses terres texanes au festival South By Southwest avec Shithouse, ce jeune cinéaste succéda cette année au sacre de Coda au festival de Sundance en remportant le Prix du Public pour Cha-Cha Real Smooth. Un film plébiscité, obtenu par Apple, qui nous donne l’impression au départ de se retrouver au début des années 2000. Une époque où les spectateurs étaient submergés par une avalanche de films désignés comme Indie dès lors que l’on racontait des chroniques de vie de personnages seuls, auto-proclamés « marginaux », que l’on accompagnait musicalement par de la musique folk qui était automatiquement récupéré par la publicité (faites le lien entre Juno et les meubles Ikea, et vous verrez). Au départ de Cha-Cha Real Smooth, on se répète la même formule que du célèbre Meme tiré de GTA Sans Andreas : « Oh shit, here we go again ».
Car Andrew, alter-ego de Raiff dans le film, nous donne le sentiment au départ d’être rangé à la catégorie du « nice guy » auquel nous a accoutumé une certaine part de ce cinéma. Ces personnages utopiques, qui idéalisent trop les choses quitte à paraître égocentriques, que l’on pourrait symboliser par Joseph Gordon-Levitt dans (500) Jours Ensemble. Dans Cha-Cha Real Smooth, on pourrait croire que le réalisateur force notre attachement au personnage dans ses tourments. Après ses études, Andrew galère professionnellement. Passant d’études marketings à de la vente en restauration rapide, cette transition difficile vers la vie d’adulte s’accompagne d’une fin de relation amoureuse.
Tout cela, il le contrebalance en irradiant son entourage d’une répartie bien ciselée et une faculté impressionnante à s’immiscer dans la vie d’autrui. La vie sentimentale de son petit frère, mais également le quotidien de Domino (Dakota Johnson), une mère de famille élevant une fille autiste qu’il a rencontré au cours d’une bar-mitzvah. On pense que les dés sont jetés, que la trajectoire des personnages est déjà toute tracée. Et pourtant, à notre grande surprise, cette chronique de vie d’un homme coincé dans les aléas de la vingtaine surprend. Il déjoue nos a prioris pour proposer un croisement singulier entre la tendresse « invraisemblable » des films de Cameron Crowe et l’attachement presque potache aux losers de l’oeuvre de Judd Apatow.
Car Andrew apparaît un peu comme les personnages masculins que Crowe aime raconter à l’écran : ceux qui sont persuadés d’être le sauveur de quelque chose, avant de se réveiller et voir que d’autres sont là pour aider à produire cet accomplissement. Plus terre-à-terre que les mondes hors-du-communs vus dans Jerry Maguire (le sport professionnel) ou Nouveau Départ (la reconstruction d’un zoo), le film fonctionne dans sa manière d’allier l’intimité des vies familiales face à la perception d’un jeune homme, qui sous de bons sentiments, a des ambitions presque dérisoires.
Ce sera la leçon inculquée par le film, par les paroles de Dakota Johnson : prendre le temps de vivre sa vingtaine pour profiter du monde qui l’entoure. Au cours de ce déclic, Raiff s’émancipe et se montre particulièrement généreux envers ses personnages. On retrouve encore cette vibe Cameron Crowe par le fait que Raiff offre chaque personnage un moment de grâce, d’épiphanie, qui va le faire s’élever aux yeux de tous – des protagonistes du récit mais également ceux du spectateur. Il faut dire que le jeune réalisateur est entouré d’un casting particulièrement délectable pour son deuxième long. Dakota Johnson a déjà été évoqué mais n’oublions pas de citer Raul Casillo et Vanessa Burghardt ; mais également Brad Garett et Leslie Mann, qui fait office de passage de flambeau entre la génération Apatowienne et une nouvelle qui arrive sur nos écrans.
Si le film s’avère conventionnel dans ce qu’il raconte, il fonctionne en revanche par la candeur qu’il s’efforce de transmettre à l’écran tout en restant les pieds sur terre. Cha-Cha Real Smooth est une réussite pour ce qu’il a réussi à réveiller à l’écran : de la générosité.
Bande-annonce
17 juin 2022 (AppleTV) – De et avec Cooper Raiff et Dakota Johnson