CHÈRE LÉA
Critique du film
Reconquérir l’être aimé ou y renoncer, parce que c’est mieux ainsi ? Complètement à la dérive sur plan personnel comme professionnel, Jonas débarque au petit matin, à l’improviste, chez Léa, viennoiseries à la main et la mine défaite. Que cherche-t-il ? Qu’attend-il de celle avec qui il a vraisemblablement rompu récemment ?
L’incommunicabilité et l’impossibilité de concilier les désirs d’une passion désormais écorchée mais toujours brûlante… Jonas ne sait pas vraiment ce qu’il entreprend en reprenant contact avec Léa. Une ampoule changée, quelques vêtements récupérés et des adieux contrariés, froids puis charnels, sur le pas de la porte. Les sentiments subsistent des deux côtés mais Léa a certainement été trop heurtée par cet homme marié qui a trop attendu avant de laisser partir son épouse (Léa Drucker, éblouissante en une seule scène).
Point final ?
Incapable de tourner cette page passionnée, Jonas quitte son appartement mais s’installe pour un café au bistrot en bas de chez son amante, gardant un œil sur la fenêtre de l’appartement de celle qui n’est plus sienne. Délayant sans cesse ses impératifs professionnels qui devraient l’inciter à reprendre le cours de sa vie, il avale un café, puis un second, puis un troisième. Les « allongés » s’enchaînent et un lien se créé avec le gérant curieux de ce bistrot de quartier (parfaitement incarné par Grégory Gadebois), attendri par le désespoir de cet homme qui ne sait pas si la lettre qu’il commence à rédiger est une lettre d’adieu ou un ultime média de reconquête. Entre deux regards vers l’immeuble d’en face, comme pour ne pas rompre définitivement avec celle qui l’a éconduit, il s’épanche sur papier et y déverse ses élans fougueux comme son désespoir. Incapable de prendre une décision, il lui raconte alors son désordre sentimental. « Vous avez trop d’émotions, ça vous empêche de penser. » lui rétorque-t-on. Comme amoureux de sa tristesse, Jonas doit se décider à mettre un point final et à ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. Un nouvelle page qui pourrait bien démarrer par un long silence partagé.
Après À trois on y va et Le temps de l’aventure, Jérôme Bonnell confirme son talent et sa délicatesse dans l’exploration de l’errance amoureuse, saisissant l’esprit de notre époque et l’atmosphère de ce quartier parisien. Toujours sur le fil entre l’absurde, le burlesque et le mélancolique, il signe avec Chère Léa une comédie romantique dont le héros maladroit déconcerte longtemps avant de toucher durablement. D’un parcours intime à une évocation universelle, Bonnell livre un geste cinématographique séduisant, où le hors-champ et les non-dits en disent autant que ce qui est verbalisé, où l’apparente légèreté n’est qu’un masque de circonstance derrière lequel se niche une vie intérieure riche et chaotique.
Bande-annonce
15 décembre 2021 – De Jérôme Bonnell, avec Grégory Montel, Grégory Gadebois, Anaïs Demoustier