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CHIEN ENRAGÉ

Dans le Japon d’après-guerre, un policier se fait subtiliser son arme. Son supérieur refuse sa démission et l’envoie à la poursuite du malfaiteur. Il mène son enquête dans les bas-fonds de Tokyo, où il côtoie la misère d’une population qui survit difficilement à la défaite de son pays.

Critique du film

Dixième film d’Akira Kurosawa, Chien enragé a été réalisé en 1949, après Le Duel silencieux et avant Scandale. C’est la troisième fois que Kurosawa dirigeait Toshiro Mifune, avec lequel il avait commencé à travailler en 1948 pour L’Ange ivre. Depuis 1948, Kurosawa avait commencé à acquérir une certaine liberté artistique. Chien enragé adapte un roman écrit par Akira Kurosawa lui-même, ouvrage écrit sous l’influence d’un romancier que le réalisateur apprécie particulièrement, Georges Simenon. De cette admiration pour l’écrivain belge, le metteur-en-scène conserve un goût pour la psychologie et la description des milieux où se déroule l’intrigue. 

L’autre grande influence de cette œuvre, c’est le néoréalisme italien. Cet aspect s’avère particulièrement présent avec ses descentes dans les bas-fonds, lorsque l’inspecteur Murakami cherche à retrouver son arme. On a alors droit à des scènes d’un réalisme total, proche du documentaire. On trouve aussi la thématique sociologique de l’après-guerre et de ses conséquences sur la population, tant économiques que psychologiques. 

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Le film possède une tension et un suspense qui ne faiblissent jamais, malgré une durée d’un peu plus de deux heures. L’ouverture se fait sur la vision symbolique d’un chien enragé, représentant les vétérans marqués par les horreurs de la guerre, l’humiliation de la défaite et les restrictions économiques drastiques. L’histoire se déroule durant un été caniculaire qui ajoute à l’impression de se trouver sous une chape de plomb. L’inspecteur Murakami, incarné par Toshiro Mifune, se sent humilié, déshonoré et trouverait normal de démissionner. Le jeune homme débute dans la police et on lui laisse une chance de retrouver le coupable, en menant l’enquête avec Sato, joué par Takashi Shimura, autre grand habitué du cinéma d’Akira Kurosawa. Autant Murakami se monte inflexible, avec lui-même en premier lieu et avec les autres, autant Sato semble plus apaisé, car plus aguerri et plus compréhensif envers la nature humaine. 

Sato est plus âgé que Murakami, plus expérimenté, en tant que policier, mais aussi en tant qu’homme et observateur de l’humanité. Lors d’un repas que prennent les deux policiers chez Sato, une des scènes clés du film, l’ancien va canaliser un peu son jeune collègue et l’inciter à y voir plus clair dans sa façon d’appréhender le coupable, appréhender dans tous les sens du terme. Le thème du double en négatif qu’on trouve dans plusieurs films du réalisateur – notamment dans Entre le ciel et l’enfer – est ici très prégnant. 

En plus de sa mise en scène tendue et nerveuse et de sa psychologie humaniste mais jamais mièvre, Chien enragé bénéficie également d’une musique aux accents subtilement dramatiques et de plans savamment composés, comme des tableaux – rappelons qu’Akira Kurosawa était également un peintre de grand talent. Comptant à juste titre parmi les longs métrages les plus réputés de son auteur, Chien enragé est une œuvre passionnante et d’une grande maturité


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Chien enragé est ressorti dans une superbe version restaurée 4K le 21 août, dans le cadre d’une rétrospective Akira Kurosawa en six films. Cette rétrospective distribuée par Carlotta films compte 3 autres films en version 4K (Vivre, Yojimbo et Entre le ciel et l’enfer) et deux films restaurés en 2K, Les Bas-fonds et Les Salauds dorment en paix.