CINEMA PARADISO
Alfredo vient de mourir. Pour Salvatore, cinéaste en vogue, c’est tout un pan de son passé qui s’écroule. On l’appelait Toto à l’époque. Il partageait son temps libre entre l’office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo…
Critique du film
Deux ans après le formidable Ginger et Fred de Federico Fellini, qui évoquait la télé de Berlusconi et le déclin du cinéma italien, Giuseppe Tornatore réalisait Cinema Paradiso, ode au septième art qui nous parle des grandes heures du cinéma populaire mais aussi de la désaffection des salles et de la destruction d’un certain nombre d’entre elles qui eut lieu dans les années 1980.
Film mélancolique, triste et joyeux à la fois, Cinema Paradiso est une véritable comédie italienne dans toute sa splendeur. Traversé de scènes comiques, avec ses personnages picaresques qu’on croirait sorti d’Amarcord de Fellini, le film de Tornatore offre également de grands moments d’émotion avec cette relation entre Salvatore, dit Toto – interprété par Salvatore Cascio – , gamin obstiné, malin et fasciné par les images projetées par Alfredo, bourru mais généreux personnage joué par Philippe Noiret. Réfractaire dans les premiers temps à la compagnie de cet enfant turbulent, Alfredo se laisse vite séduire par l’intelligence du gamin chez qui il pressent une véritable passion naissante pour le cinéma.
À travers cette relation et cet appétit pour les histoires, les images, il y a bien sûr un apprentissage de la vie, de l’amour, des grandes joies et des déceptions, une initiation à l’existence faite de plaisirs et de souffrances. Mais aussi le rêve. Le rêve du bonheur et celui d’échapper à une condition modeste. En fantasmant une autre vie, à travers les destins projetés dans ce petit cinéma sicilien, même si le curé de la paroisse veille à ce que certaines scènes soient censurées – les baisers, les femmes dénudées.
Le film recèle d’extraits de grands classiques du cinéma, mais le spectacle est aussi, parfois, et même souvent dans la salle. Les réactions des spectateurs, les conflits entre certains villageois, l’animation qui règne pendant les projections, tous ces éléments mettent en évidence la force d’un cinéma populaire, pas forcément intellectualisé ou analysé mais simplement pris avec l’innocence d’enfants ou d’adultes restés enfants qui aiment qu’on leur raconte des histoires. Et qui se retrouvent tous réunis dans un même lieu.
Cinema Paradiso, qui ressort ce 7 juillet, grâce aux Acacias dans une très belle restauration 4K, remporta à sa sortie un grand nombre de prix mérités. Il s’agit d’une œuvre assez désabusée et nostalgique qui rend parfaitement hommage aux passionnés et aux serviteurs du cinéma qui, tel Alfredo le sans grade, contribuent à perpétuer une magie, une tradition et un art à la richesse incomparable, qu’il s’agisse d’évasion pure ou d’une certaine éducation à la vie, apprentissage peut-être théorique mais pourtant bien précieux et réel, comme celui de la littérature.
Bande-annonce
7 juillet 2021 (ressortie) – De Giuseppe Tornatore, avec Philippe Noiret, Jacques Perrin