CLIMAX
Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.
Anti-climatique.
Expérience intense, extrême, épuisante et oppressante… Climax, dernier film de Gaspar Noé n’a pas fini de faire parler de lui. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du dernier festival de Cannes, le film semblait avoir mis tout le monde d’accord, ce qui est d’autant plus intriguant quand on connaît la réputation de son réalisateur, coutumier des scandales. Noé aurait-il réalisé ce film qui mettrait tout le monde d’accord ? Et, mieux encore, celui qui saurait faire plier même ses plus grand détracteurs ?
Il n’en est rien : Climax n’est qu’un écran de fumée, vain et loin du spectacle promis. La déception est d’autant plus grande lorsque l’on apprécie Noé : ses films, qu’on aime ou déteste, provoquent toujours une émotion, qui peut aller de l’agacement à la fascination. On s’attendait ici à une descente aux enfers terrifiante et sensorielle. On ne ressent finalement que de l’ennui face à un objet visuellement séduisant et maîtrisé, mais qui n’exploite jamais son sujet.
Pourtant, il y avait du potentiel : l’exploration de la danse et de la transe chez Gaspar Noé, cela faisait sens. Le corps est même une thématique récurrente dans sa filmographie : ils souffrent, s’aiment et hallucinent. Seulement deux séquences exploiteront la danse, et sont finalement les plus réussies du long-métrage : un envoûtant plan séquence d’abord, qui suit les danseurs répétant leur chorégraphie, et ensuite la performance d’une Sofia Boutella qui pète les plombs, pas sans rappeler une scène de Possession. On regrette tant que le motif de la danse soit relayé au second-plan mais Noé sous exploite son thème au profit de dialogues ratés et interminables.
Ce qui est terrible avec Climax, c’est qu’on s’ennuie ferme. Et ce n’est pas à cause de son scénario, puisqu’il est inutile de s’y attarder : le film se vend comme une expérience à part entière, et c’est une intention louable. Le vrai problème du film tient de son rythme chaotique. On s’attend à être secoué dans tous les sens, et il n’en est rien. La faute à une première partie qui n’en finit jamais et annihile toute émotion. Loin du chaos tant attendu, le spectateur est forcé d’assister à une succession de scénettes (en plan fixe) dignes d’une sitcom : ça parle de sexe avec des mots crus, pour la provocation, alors que c’est terriblement mal joué.
Climax se contente de n’être qu’une caricature de la filmographie de Noé, ici en pleine crise d’adolescence. Il sait filmer, et on le sait, et il sait s’entourer (merci Benoit Debie), mais la maîtrise formelle ne suffit pas à donner corps à un film. On est averti dès le départ : dès son ouverture on aperçoit très explicitement les nombreuses références visuelles, de Kenneth Anger à Zulawski. Le film passe au final pour un film de petit malin, sans être jamais provocant. Ses cartons à l’envers ne font que renforcer le côté tape à l’œil et contribue à la fatigue générale.
Au final, on reproche à Climax de ne pas parvenir à nous offrir ce que le titre nous promettait. La frustration est cinglante. Tout ça pour ça ? Un climax tient d’une progression dans le temps et devient un point culminant : c’est sa construction qui le rend aussi intense. Or ici, son rythme en anéantit tout espoir. Ses bons échos viendraient-ils de sa radicalité quelque part « assagie » qui rendrait le cinéaste sulfureux plus fréquentable ? Cette version édulcorée d’une oeuvre de Noé devrait alarmer ses adorateurs. Si son cinéma reste toujours une exception dans le paysage cinématographique français, celui-ci semble avoir atteint ses propres limites.
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