DA 5 BLOODS
L’histoire de quatre vétérans afro-américains qui retournent au Vietnam pour y retrouver la dépouille de leur chef et un hypothétique trésor enfoui.
Critique du film
Deux ans après le tout autant primé que critiqué BlackKklansman, le cinéaste engagé et atypique Spike Lee est de retour avec une grosse production, Da 5 bloods, malheureusement dédiée au petit écran (Netflix). L’ambition n’a pour autant pas été revue à la baisse, loin de là. Chérissant ce projet au plus profond de lui-même, Lee dépeint une société post-guerre du Vietnam et montre, sans grande surprise, comment les États-Unis sont toujours hantés par ce conflit qui n’a jamais fait l’unanimité. Il raconte, pendant près de 2h40 (!), l’odyssée de quatre vétérans afro-américains qui décident de revenir sur les terres vietnamiennes où ils se sont battus pour enterrer une bonne fois pour toute le souvenir de leur chef d’escouade (campé par un Chadwick Boseman impérial) et, éventuellement, retrouver un trésor caché, le cinéaste part lui aussi à l’aventure… Quitte à un peu trop expérimenter et nous perdre en cours de route.
Enterrer le passé
Très verbal et esthétique, ce nouvel essai anti-américain de la part de Spike Lee jongle entre deux époques qui ont beaucoup en commun : la haine, le racisme, « l’argent qui appelle à la violence, la violence qui appelle l’argent », comme le dit si bien Boseman. Mais d’emblée, quelque chose cloche dans Da 5 Bloods : une introduction peut-être trop brève des personnages, auxquels on doit s’attacher, une précipitation des péripéties, qui se détachent les unes des autres, comme des scénettes avec chacune un début et une fin. Le film manque donc d’un fil conducteur solide qui permette, en tant que spectateur, de ressentir la peine, le voyage mental (et physique) des personnages, naturellement traumatisés par leur service au Vietnam.
Les paysages sont beaux, tantôt poisseux, tantôt majestueux ; la réalisation ample et les changements de formats entre le passé et le présent demeurent une idée formelle intéressante. Malgré ces quelques qualités, Da 5 Bloods manque de souffle et se la joue faux-épique. Les quelques moments graphiques sont si précipités qu’ils paraissent presque irréels, déchargés de gravité. Finalement, là où le film est le plus pertinent, c’est lorsqu’il reprend, de manière assez ironique, le thème d’Apocalypse Now lors de l’arrivée des ex-soldats au Vietnam. Evidemment à bord d’un hélico… Sauf que, cette fois-ci, il s’agit de soldats noirs qui non seulement ont connu l’horreur de la guerre, mais aussi d’autres traumas – les quelques scènes montrant des rassemblements #BlackLivesMatter en témoignent.
Bande-annonce
12 juin 2020 (Netflix) – Réalisé par Spike Lee, avec Chadwick Boseman, Jean Reno