DANS LES HAUTES HERBES
La fiche
Réalisé par Vincenzo Natali – Avec Laysla De Oliveira, Avery Whitted, Patrick Wilson – Horreur épouvante – Etats-Unis – 4 octobre 2019 (Netflix) – 1h30
Un frère et sa sœur s’aventurent dans un champ d’herbes hautes pour porter secours à un enfant perdu, mais découvrent qu’il n’est peut-être pas possible d’en sortir.
La critique du film
Le canadien Vincenzo Natali (réalisateur du premier Cube, de Cypher, Nothing, Splice et de Haunter) revient au devant de la scène après six ans d’absence, en adaptant pour Netflix la nouvelle horrifique In The Tall Grass (2012), écrite par Stephen King et son fils Joe Hill. Le film a-t-il trouvé son chemin dans les hautes herbes ?
Becky et son frère Cal sont en route pour San Diego. La jeune femme, nauséeuse en raison de sa grossesse, souhaite faire une pause (pour vomir). Cal gare donc la voiture sur le bord de la route, juste à côté d’un vaste champ de hautes herbes. C’est alors qu’ils entendent la voix d’un enfant, Tobin, perdu dans le champ et appelant à l’aide. Le frère et la sœur décident alors de partir à sa recherche dans les hautes herbes… un dédale malfaisant dont ils ne ressortiront jamais.
L’altérité représentée dans le film est fondée sur un décalage entre ce qui apparaît et ce qui est, l’animé (le mal) revêtant les formes de l’inanimé (les hautes herbes). C’est une figure classique de l’horreur, qui permet de bousculer notre rapport à la réalité, notamment en termes de temps et d’espace. Le film navigue donc en partie dans des eaux déjà explorées de cet océan qu’est le cinéma d’horreur, au même titre d’ailleurs que la nouvelle de King et Hill. L’atout majeur du récit, c’est la tension potentiellement vertigineuse qu’il essaie de créer entre l’insituabilité et l’omniprésence écranique du mal.
Les hautes herbes sont partout et nous conduise nulle part, si bien qu’on tourne en rond, comme dans un cauchemar. L’horreur, contrairement au fantastique (genre plus familier à la résolution narrative), se caractérise précisément par le fait qu’on en sort jamais. C’est l’exploration d’une situation bloquée, telle que quand on croit s’en être sorti, on découvre qu’on est toujours dedans. En ce sens, Dans les hautes herbes est un pur film d’horreur, reprenant l’intégralité des fondements narratifs du genre.
Du King en pilote automatique
Sur le papier, le film de Vincenzo Natali coche donc toutes les cases, et c’est peut-être ce qui, paradoxalement, lui fait défaut. La première séquence est plutôt fascinante : la mise en scène profite du calme relatif à l’éphémère linéarité du récit pour nous présenter méthodiquement l’égarement des personnages. Mais par la suite, Dans les hautes herbes devient très vite victime du caractère programmatique de la nouvelle de King et Hill. Le réalisateur ne semble pas vraiment savoir quoi faire de la perdition de ses personnages, nous perdant nous aussi dans de multiples micro-moments d’errances narratives, où il ne se passe rien, ou bien toujours la même chose. Son choix de rester dans une représentation de l’altérité presque abstraite (une mystérieuse pierre au centre du champ, source probable du mal environnant) le prévient également de développer une mythologie plus large, mis à part quelques plans suscitant enfin la fascination du spectateur.
De fait, la figuration de l’horreur est ce qui intéresse principalement Natali : un chien crevé bouffé par les vers, le cadavre d’une femme enceinte, ou bien encore la séquence d’auto-dégustation de chair humaine en plan subjectif. Ce sont ces courts moments qui permettent d’exploiter au mieux le potentiel de la boucle narrative, s’amusant de la réversibilité cruelle de la mort. Du reste, le film se fiche un peu du drame se jouant entre les personnages : les scènes de règlement de compte sont vite expédiées, investissant une série de déjà-vus n’apportant pas grand chose au récit (le frère amoureux de sa sœur, l’ersatz de Jack Torrance joué par Patrick Wilson, etc.).
Le tout est donc maîtrisé, mais parfois trop peu inspiré, prisonnier des sentiers battus de l’horreur du King.
