DERNIER AMOUR
La ficheRéalisé par Benoit Jacquot Avec Vincent Lindon, Stacy Martin…
France – Drame – Sortie : 20 mars 2019 – Durée : 98 min
Synopsis : Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire.
La critique du film
Pas moins de huit films ont pris pour personnage principal le fameux Giacomo Casanova, nom de famille devenu nom commun, caractérisant un bourreau des cœurs, le séducteur ultime, allant de femme en femme sans jamais s’attarder trop longtemps avec la même. De Riccardo Freda en 1948 jusqu’à Dernier amour de Benoît Jacquot en 2019, beaucoup de cinéastes furent hantés par cette figure légendaire, notamment un certain Federico Fellini en 1976 sous les traits de Donald Sutherland. C’est ici Vincent Lindon qui incarne l’aventurier vénitien, dans ce qu’on pourrait appeler ses derniers jours.
En effet, un Casanova très âgé narre ses histoires romanesques à une toute jeune femme, leg de ses illustres jours où sa vie fut consacrée au jeu, la musique, l’écriture et bien d’autres passions. Récit en flash-back, c’est son passage à Londres qui est mis en lumière, car en effet c’est cet amour contrarié, évoqué par le vieil homme, qui intéresse plus particulièrement sa jeune invitée. Le projet est intéressant, il est question de montrer les faiblesses et les failles de l’homme, et non pas ses aspects triomphants et phallocrates comme on aurait pu le penser. Benoît Jacquot désamorce tout de suite cela après avoir présenté Casanova au lit avec deux femmes. Dès lors il tombera sous le charme de la Charpillon, jouée par Stacy Martin (Nymphomaniac, Amanda), qui n’aura de cesse que de faire souffrir l’illustre séducteur.
« La déception du rendez-vous manqué »
Cette lecture du film le rend séduisant, on ne glorifie pas la figure du conquérant aventurier, mais au contraire on prend plaisir à montrer ce qu’il considère lui-même comme son seul échec. Elle est la seule avec laquelle il ne fut jamais ami. Car la Charpillon semble se délecter de jouer avec sa proie, à le faire tourner en rond à coups de mensonges, de rendez-vous manqués et de manipulations diverses pour soutirer de l’argent à celui qui est alors perçu comme un homme riche et puissant.
Pour que cette analyse tienne la longueur, il aurait fallu que la perversité de cette relation prenne véritablement et que l’attachement entre les deux personnages soit palpable. Las, l’émotion n’est jamais vraiment présente, le couple Lindon/Martin dissonant de bout en bout sans qu’on puisse croire en leur relation. L’alchimie ne prend pas, le drame et le rythme du film retombent sans cesse, tout comme l’intérêt qu’on pourrait porter aux journées d’un Casanova qui s’éternise à Londres sans qu’on sache vraiment pourquoi, si ce n’est une obsession pour une courtisane qu’il ne regarde pourtant qu’à peine.
Il faut reconnaître une certaine beauté dans la direction artistique, à l’instar de ce que Jacquot avait réussi dans Les adieux à la reine (2011), même si son Londres du XVIIIe siècle est bien propre, comme lavé de tout péché, même au sein d’endroits affichés comme licencieux et malfamés. La rencontre du très distingué Casanova avec ces bouges populaires aurait pu être quelque chose là encore de très réussi. Pourtant on retrouve encore une certaine platitude, une absence d’incarnation chez les personnages mais aussi dans les lieux rencontrés, qui déçoit quand elle devrait emporter l’émotion.
Quand Dernier amour a fini son récit, nous ressortons comme nous étions entrés, le visage fermé, guère troublé par une histoire qui n’a jamais réussi à déchaîner les tourbillons de l’affect pourtant recherché. Ces derniers jours de Casanova méritaient sans doute un meilleur traitement, une prise de risque à la hauteur du grand acteur qu’est Vincent Lindon, presque perdu par instants, lui qui irradie tellement de films de sa classe et de sa présence charismatique. Le dernier amour d’un grand amour aurait du être chair et sang, larmes et décharge électrique, ici il n’est que soupirs et tromperies mâtinés d’ennui.