DUNE : DEUXIÈME PARTIE
Paul Atréides se rallie à Chani et aux Fremen tout en préparant sa revanche contre ceux qui ont détruit sa famille. Alors qu’il doit faire un choix entre l’amour de sa vie et le destin de la galaxie, il devra néanmoins tout faire pour empêcher un terrible futur que lui seul peut prédire.
Critique du film
« Les débuts sont des moments si délicats », avertit le titre du premier morceau de la bande-originale de Dune : Deuxième Partie. Difficile de commencer une saga réputée impossible à adapter. Encore plus périlleux de débuter un deuxième film mondialement attendu, et destiné à raconter une tranche bien plus tragique de l’épopée de ses protagonistes. C’est loin de ces derniers que commence Dune 2. Une voix familière, celle de la géniale Florence Pugh, ouvre les 2h46 du film de Denis Villeneuve.
La Princesse Irulan, fille de l’Empereur, tient un journal de bord. Pour la jeune femme, le plus grand mystère d’Arrakis est la disparition de la maison Atréides. Mais Paul est bien là, pourchassé par les Harkonnen. Bercés par le premier morceau grandiose de la bande-son de Hans Zimmer, mère et fils tentent de s’intégrer au sein des Fremen. Un peuple gracieux à l’élégance discrète, loin de l’opulence des Grandes Maisons mais constamment accompagnés d’un mixage sonore somptueux, allégeant le pas saccadé des habitants d’Arrakis.
La première partie de ce Dune dévoile un désert qui n’a jamais semblé si inhospitalier. Denis Villeneuve livre une œuvre de toutes les échelles, du grain de sable à toute une galaxie, des rêves intimes de Paul à son inéluctable destin messianique. Et malgré quelques ellipses temporelles brouillonnes, le cinéaste québécois parvient à nous embarquer dans une expérience sensorielle délirante, qui surpasse et fait presque oublier les quelques défauts du long-métrage.
Épopée en terrain connu
Dune 2 n’a pas de séquence aussi brillamment mise en scène que le dialogue sous la pluie entre Paul et sa mère dans le premier opus. Dune 2 n’a pas non plus de véritable effet de surprise : tous les personnages et leurs moeurs sont connus. Dune 2 souffre du trop-plein de synthétiseurs dans la musique de Hans Zimmer, rendant désagréables (voire assourdissantes) certaines scènes majeures. Et pourtant, ce deuxième film ensable tout sur son passage.
Denis Villeneuve (bien aidé par son directeur de la photographie Greg Fraiser) a fait de sa Dune une planète familière. Son hostilité vertigineuse est palpable, de la menace perpétuelle des soldats ennemis aux vers des sables, titans majestueux vénérés par les Fremen. Lorsque le récit arrive sur Giedi Prime, planète éclairée par un soleil noir, le cinéaste prouve qu’il a parfaitement réussi à s’approprier l’univers de Frank Herbert. Son noir et blanc inquiétant capturé en infrarouge illustre à merveille le fascisme et la binarité des Harkonnen.
Les Harkonnen sont menés par Feyd-Reutha, neveu du Baron incarné par un Austin Butler habité qui aurait presque mérité plus de temps d’écran. Toute la distribution est globalement au rendez-vous, mais lui et Rebecca Ferguson tirent leur épingle du jeu, crevant l’écran à chaque apparition (souvent terrifiante). C’est en partie grâce à la caméra de Villeneuve que les personnages sont si forts : le cinéaste québécois se rapproche des corps pour en capter toute la complexité… et toute la folie.
Chronique Dune mise en garde
Loin des sentiers battus d’un blockbuster classique, avec un protagoniste faisant figure d’anti-héros, Dune 2 défie les conventions d’un paysage de blockbusters hollywoodiens devenus trop lisses pour oser l’audace. Chaque personnage joué par cette distribution d’ensemble est persuadé qu’il est dans le juste. L’Empereur avance ses pions, le Baron pense toujours avoir un coup d’avance, Dame Jessica prépare une guerre sainte, Paul tente comme il peut de s’opposer à son statut de Messie (Mahdi, en Fremen). La promotion brillante de Dune 2 se joue des spectateurs, les abreuvant de clips semblables à des pubs de parfum, érigeant chaque membre du casting en modèle pour mieux déconstruire ces illusions dans le film.
Ce deuxième film pessimiste refuse le manichéisme habituel des blockbusters américains. Denis Villeneuve met en garde contre le pouvoir de la religion – et surtout de ceux qui se servent des fidèles – et le fanatisme. Pour illustrer cette idée, le personnage de Stilgar est particulièrement bien traité. Il est d’abord amusant, à constamment répéter « c’était écrit » et à s’extasier au moindre geste de Paul, le supposé Mahdi. Mais il devient rapidement terrifiant, véritable pion (parmi des millions d’autres) d’un homme qui, en l’espace de quelques mots, pourrait déclencher la plus grande guerre de l’histoire de l’univers.
« Par cette prophétie, ils nous asservissent », martèle Chani, seule à rester lucide, phare dans la mer d’Arrakis. On appréciera le choix de Villeneuve d’en faire une non-croyante (au contraire du livre), lui conférant une profondeur bienvenue. Paul est la Voix venue d’Ailleurs, un sauveur blanc qui d’un claquement de doigts pourrait mener le monde à sa perte. Cette œuvre tragique fait office de rappel, de dénonciation d’une société guidée dans l’ombre par des puissants capables d’imposer des croyances à tous, y compris à ceux qui vivent à l’écart du reste du monde. Mais Villeneuve garde espoir et nous quitte avec un dernier plan de Chani, oasis en plein désert, ultime chance d’échapper à l’endoctrinement général.
Bande-annonce
28 février 2024 – De Denis Villeneuve, avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson