Elmer Gantry

ELMER GANTRY, LE CHARLATAN

Elmer Gantry est un voyageur de commerce beau parleur qui vit de petites combines et séjourne dans des hôtels miteux. Son chemin croise celui de Sharon Falconer, la prédicatrice de la troupe itinérante « Le Renouveau angélique ». Subjugué par cette dernière, mais flairant également la bonne affaire, Gantry lui propose ses services. Brillant par sa verve et son charisme, il rencontre un grand succès. Mais son tumultueux passé pourrait bien le rattraper…

Critique du film

Tourné entre deux adaptations de Tennessee Williams (La chatte sur un toit brûlant en 1958 et Doux oiseau de jeunesse en 1962), Elmer Gantry, le charlatan est une transposition d’un roman de Sinclair Lewis, auteur américain dont les meilleurs écrits parurent dans les années 1920. Les livres de Sinclair Lewis fustigeaient souvent l’hypocrisie et l’esprit étriqué des petites villes américaines de l’époque. Elmer Gantry, écrit en 1927, ne fait pas exception à la règle. 

L’histoire se déroulant en pleine dépression et prohibition, la violence est très présente dans le film. La prédication elle-même est vue comme un combat (la scène sur le ring de boxe) et l’on va jusqu’à faire des descentes au cœur d’un speakeasy ou d‘une maison close pour stigmatiser les péchés de ses semblables. Les citoyens ne sont d’ailleurs pas en reste, prêts à humilier et à couvrir d’opprobre celui qui n’est pas l’homme pieux et exemplaire qu’il prétendait être. Ou à tendre un piège, à exercer un odieux chantage. La scène d’hystérie collective sous le chapiteau, durant laquelle Elmer Gantry est l’objet de la haine et de la colère des citoyens est d’ailleurs saisissante.

Elmer Gantry, le charlatan offre une galerie de personnages intéressants, dont le protagoniste principal, homme roublard mais aussi touchant dans son amour pour sœur Sharon Falconer, sûrement sincère et la façon dont il prend la défense de la prostituée qui lui a tendu un piège. Cette dernière fait également preuve d’un véritable amour, au sens chrétien du terme. Ce genre de personnages, à priori peu recommandables, tout comme les héros du film les professionnels, le pleutre Lord Jim ou la noceuse célibataire de A la recherche de Mr Goodbar, sont aux yeux de Richard Brooks bien plus fréquentables au contraire, car plus honnêtes et plus libres. Ce sont les outsiders, plus que les officiels qui sont les plus authentiques. Et quand Elmer Gantry ment à la fin, c’est pour une noble cause.

Elmer Gantry, le charlatan, film peut-être un peu méconnu à notre époque, mérite d’être redécouvert pour sa vision sans complaisance de la religion et de son exploitation, mais aussi de son exploration de la nature humaine, toujours plus complexe qu’on ne croit au premier abord.


Elmer Gantry, le charlatan, ressort en vidéo le 4 décembre, réédité par Wild Side, avec un livret très instructif écrit par Philippe Garnier et enrichi de magnifiques photos.

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