EMPIRE OF LIGHT
Critique du film
Après deux volets de James Bond (Skyfall et Spectre) et un film de guerre en plan-séquence (1917), Sam Mendes revient à une sphère plus intimiste avec Empire of light, dont il place l’intrigue sur ses terres natales. Le cinéaste retrouve ses collaborateurs de longue date, dont le directeur de la photographie Roger Deakins (avec qui il collabore pour la cinquième fois), le chef décorateur Mark Tildesley et la créatrice de costumes Alexandra Byrne, mais aussi le superviseur musical Randall Poster et les compositeurs Trent Reznor et Atticus Ross, qui signent la bande-originale du film.
La séquence d’exposition nous présente Hilary dans sa routine du matin. Première arrivée, la quinquagénaire redonne vie au cinéma qu’elle gère dans cette ville de bord de mer britannique. De l’éclairage au chauffage, en passant par une inspection des lieux, l’employée se montre consciencieuse avant de lever le rideau pour accueillir les premiers clients. C’est elle qui fait tourner la boutique, bien qu’elle ne soit pas propriétaire de l’établissement. Quand une nouvelle recrue est engagée, elle se charge de le briefer et de lui présenter les lieux, lui distillant quelques consignes fonctionnelles de rigueur. Le jeune homme, Stephen, fait preuve d’une véritable curiosité pour l’édifice, dont on sent bien qu’il n’a plus sa splendeur d’antan, allant même jusqu’à vouloir découvrir l’étage supérieur, désormais laissé à l’abandon par manque de fréquentation.
Son arrivée dans le staff va redonner vie à un quotidien morose pour Hilary, qui est désormais sous traitement suite à une dépression sévère quelques mois auparavant. Solitaire, elle cède parfois aux avances d’un patron médiocre qui abuse de sa faiblesse. Pourtant, ses échanges avec Stephen, qui se montre sincère dans l’intérêt qu’il lui accorde, vont faire renaître en elle une certaine spontanéité et lui redonner foi en elle-même, réanimer son amour propre. Le début d’un nouveau chapitre exaltant ?
Car le jovial Stephen la regarde d’un oeil nouveau, curieux et bienveillant, devenant l’étincelle pour rallumer la flamme de vie qui sommeillait en Hilary depuis trop longtemps. De sa vie sous lithium, où elle se contentait d’un emploi du temps routinier sans véritables écarts, elle va redécouvrir les petits plaisirs et ouvrir progressivement son coeur. À la faveur d’un feu d’artifices du nouvel an, de soins prodigués à un pigeon blessé et de quelques confidences partagées, le rapprochement s’opère. Hilary semble retrouver un certain élan dans son quotidien à l’Empire Cinema, et s’offre même une virée à la mer en sa compagnie. Mais en dehors des beaux murs de l’enceinte, la maladie mentale d’Hilary tend à se manifester à nouveau et cette escapade laisse apparaître ses blessures du passé et sa maladie, qui n’était qu’endormie. Elle se bat contre son propre esprit troublé pour trouver un moyen de se (re)connecter, tandis que Stephen, de son côté, tente de trouver sa voie. Rejeté par le milieu universitaire, il se trouve à la croisée des chemins et s’efforce de s’accomplir en dépit de ce qui lui semble interdit. La politique raciale de Margaret Thatcher, le racisme d’Enoch Powell et du Front national britannique, les émeutes de Brixton et de Toxteth sont autant de références historiques employées par Mendes pour tisser en toile de fond un contexte social troublé, hors de la bulle intemporelle que semble être le cinéma où ils travaillent.
Empire of light déroule une narration classique qui parvient à nous emporter délicatement dans son double récit de renaissance, où brillent Olivia Colman et Micheal Ward. Sam Mendes rend hommage à ces liens qui nous unissent – la musique, les films et ces familles de cœur que l’on se recompose – et qui nous permettent de surmonter les épreuves. Enfin, son mélodrame d’une grande élégance nous laisse le cœur au bord des yeux dans son final de toute beauté. Ce dernier segment, qui ne manquera pas de faire battre les coeurs des amoureux du septième art, s’impose comme une nouvelle et magnifique déclaration d’amour au Cinéma, l’art et le lieu, et à ses vertus cathartiques et réparatrices. Le cinéma, comme refuge face aux maux de l’existence et de la société. Un faisceau de lumière qui brille dans l’obscurité, reflétant du monde et pansant les âmes tourmentées.
Bande-annonce
1er mars 2023 – Sam Mendes, avec Olivia Colman, Micheal Ward, Tom Brooke