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EN GUERRE

Tendu

Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte‑parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.

Les raisons de la colère.

Trois ans après La loi du marché, Stéphane Brizé et Vincent Lindon reviennent sur le terrain de la lutte sociale avec En guerre, présenté au Festival de Cannes avant sa sortie en salle dès le lendemain. S’il a tourné ce nouveau film politique, c’est pour essayer de comprendre et retranscrire ce qu’il y a derrière les images des médias qui se font régulièrement les témoins de la violence qui peut surgir à l’occasion de plans sociaux. « Qu’y a-t-il avant le surgissement soudain de cette violence ? Quel est le chemin qui mène à cela ? Une colère nourrie par un sentiment d’humiliation et de désespoir qui se construit durant des semaines de lutte et où se révèle – on le découvrira – une disproportion colossale des forces en présence ». 

Car, trop souvent, les médias se contentent de relayer la colère et la casse, appuyant leurs sujets d’images d’objets urbains détruits, de pneumatiques en feu et de visages enragés. Pourtant, rarement les comptes-rendus journalistes vont au-delà de la petite casse pour véritablement comprendre les raisons de la colère. Brizé pointe les incohérences d’un système injuste envers l’être humain au profit d’un marché boursier accentuant chaque jour un peu plus la primeur des mobiles économiques sur la dimension humaine. Comment l’opinion publique en est-elle arrivée à détourner le regard face à des usines qui ferment, non parce qu’elles sont en faillite, mais parce que les décideurs (et actionnaires) souhaitent des profits encore plus importants, laissant alors sur le carreau des ouvriers ayant déjà tant de mal à joindre les deux bouts ?

Bien sûr, pour ne pas tomber dans la démagogie et rester intelligible, il était nécessaire d’opposer les discours avec objectivité, d’éclairer le spectateur de points de vue suffisamment limpides et étayés. Stéphane Brizé et son co-scénariste y ont porté une attention particulière pour que leur propos porte avec plus de pertinence et de nuance. On regrettera sans doute cet épilogue un peu maladroitement appuyé.

Habité, Vincent Lindon se fait la voix du peuple alors qu’il harangue ses collègues et interpelle les responsables de l’entreprise pour leur rappeler leurs promesses. À l’opposé des rôles de taiseux (Quelques heures de printemps, La loi du marché), il campe ici un homme qui parle, se défend et résiste. Un leader acharné face à un patronat solidaire qui ne manque pas de faire profit des failles du système et du désespoir des grévistes conduisant à la désunion.

Alors que, depuis plusieurs décennies, la Grande-Bretagne peut compter sur Ken Loach pour offrir quelques piqûres de rappel virulentes et sans détour face à l’injustice sociale (son dernier Moi, Daniel Blake ne manquait pas de cette révolte saine), la France peut désormais compter sur Stéphane Brizé, en ce mois de mai où la colère gronde dans les usines comme dans les rues, pour un (r)appel aux luttes convergentes. Les documentaires n’ont pas le monopole de l’actualité.

La fiche
En guerre affiche

EN GUERRE
Réalisé par Stéphane Brizé
Avec Vincent Lindon…
France – Drame

Sortie : 16 mai 2018
Durée : 113 min




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