FIFI
Nancy, début de l’été… et Sophie, dite Fifi, 15 ans, est coincée dans son HLM dans une ambiance familiale chaotique. Quand elle croise par hasard son ancienne amie Jade, sur le point de partir en vacances, Fifi prend en douce les clefs de sa jolie maison du centre-ville désertée pour l’été. Alors qu’elle s’installe, elle tombe sur Stéphane, 23 ans, le frère aîné de Jade, rentré de manière inattendue. Au lieu de la chasser, Stéphane lui laisse porte ouverte et l’autorise à venir se réfugier là quand elle veut…
CRITIQUE DU FILM
Premier film du duo Jeanne Aslan et Paul Saintillan, Fifi a été sacré meilleur film de la section Nouveaux réalisateurs du Festival international du film de San Sebastián en 2022. Porté par le charme de ses deux jeunes interprètes, Céleste Brunnquell et Quentin Dolmaire, ce long-métrage nous plonge dans un été comme tant d’autres, dont la douceur éphémère révèle l’aube d’une vie nouvelle.
Parenthèse estivale
À l’adolescence, l’été est souvent rempli de promesses de bon temps et de liberté. Pourtant, Sophie, dite Fifi, étouffe au milieu des cris, des pleurs et des problèmes financiers d’un foyer familial instable. La première partie du film donne à voir le portrait bruyant de cette famille dysfonctionnelle, malheureusement construite autour d’archétypes assez peu subtils concernant la classe populaire (une famille nombreuse qui gravite autour d’une mère insouciante et d’une grande soeur responsable, qui s’occupe du foyer comme elle le peut).
Le film de Jeanne Aslan et Paul Saintillan prend à contrepied la chronique de vacances, en nous montrant comment l’été, par la liberté qu’il apporte, peut aussi être une période de doute et de changements. Acheter des cigarettes, participer au paiement des factures, s’occuper de ses jeunes frères et sœurs : du haut de ses quinze ans, Fifi est déjà très responsabilisée et pour elle, l’été n’est pas synonyme d’insouciance. Lorsqu’elle croise par hasard une amie perdue de vue (Jade, la fille du dentiste) et se retrouve dans la belle maison de ses parents, Fifi voit l’opportunité d’un été bien différent. Sans hésitation, ou presque, elle subtilise les clés : c’est dans ce geste que naît toute la promesse du film et d’un été aussi décisif qu’éphémère.
Le double des clés
Alors qu’elle voyait en cette maison bourgeoise un havre de paix loin de sa famille, c’est finalement dans une relation inattendue avec Stéphane, le frère de Jade, que Fifi va trouver refuge. Au lieu de chasser celle qui s’est invitée dans la maison de ses parents, le jeune homme âgé de 23 ans est d’accord pour qu’elle vienne quand elle le souhaite. Un lien instantané naît entre les deux personnages, comme une confiance hasardeuse symbolisée par ce double des clés, d’abord volé par Fifi, puis confié à celle-ci.
Le long-métrage prend le temps d’explorer la relation naissante et le lien plutôt touchant entre Fifi et Stéphane. Pour ces deux personnages, l’été cristallise les doutes et les tracas. La différence de jeu entre Céleste Brunnquell et Quentin Dolmaire participe à incarner parfaitement cette relation si singulière, alimentée par le partage d’un job d’été ou de confidences. Pourtant, il est presque décevant de la voir vaciller vers un amour interdit par la différence d’âge. L’opposition amusante entre Fifi, déterminée et Stéphane, dubitatif, est d’ailleurs ternie par cette transition quelque peu maladroite.
Si l’on se plaît à observer la naissance du lien entre les deux protagonistes, le long-métrage aurait gagné à exploiter davantage la poésie mystérieuse d’une relation qui n’est pas nommée. Malgré ses imperfections, Fifi demeure une jolie chronique d’été.
Bande-annonce
14 juin 2023 – De Jeanne Aslan et Paul Saintillan, avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire