L’EMPEREUR DE PARIS
La ficheRéalisé par Jean-François Richet – Avec V. Cassel, Freya Mavor, D Ménochet…
France – Drame historique – Sortie : 19 décembre 2018 – Durée : 110 min
Synopsis : Sous le règne de Napoléon, François Vidocq, le seul homme à s’être échappé des plus grands bagnes du pays, est une légende des bas-fonds parisiens. Laissé pour mort après sa dernière évasion spectaculaire, l’ex-bagnard essaye de se faire oublier sous les traits d’un simple commerçant. Son passé le rattrape pourtant, et, après avoir été accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, il propose un marché au chef de la sûreté : il rejoint la police pour combattre la pègre, en échange de sa liberté. Malgré des résultats exceptionnels, il provoque l’hostilité de ses confrères policiers et la fureur de la pègre qui a mis sa tête à prix…
La critique du film
Une lourde silhouette roule le long d’un escalier provoquant un vacarme tonitruant. Arrivé au bout de son périple, l’homme relève la tête pour dévoiler un visage couturé de cicatrices et de contusions provoquées par un passage à tabac en règle. S’élève alors une voix, déclarant : « Alors c’est ça Vidocq ? ». Cette toute première scène marque le retour de Jean-François Richet en France, après son Blood Father réalisé aux Etats-Unis avec Mel Gibson. Ce film marque également la réunion du réalisateur du diptyque Mesrine avec son acteur vedette Vincent Cassel (qu’il a aussi dirigé dans Un moment d’égarement), qui brille particulièrement dans cette scène d’exposition. Elle l’introduit en quelques plans comme le centre de l’histoire, mais aussi comme une légende : le grand Vidocq, connu pour s’être évadé de tous les bagnes de France, un génie de l’évasion. Cette très belle caractérisation de Vidocq plante un décor et un projet ambitieux, réaliser un grand film d’aventures, français, utilisant l’Histoire, ici napoléonienne, pour créer un souffle assez inédit dans le paysage du cinéma tricolore.
Ces intentions sont relayées par un casting qui représente ce qu’il se fait de mieux sur le territoire : outre Cassel on retrouve Denis Lavant, Denis Menochet, James Thiérée, Fabrice Luchini, Patrick Chesnais ou encore Olga Kurylenko. Un visage moins familier, celui de Freya Mavor, incarne le rôle de la fiancée de Vidocq. Ces moyens déployés, ainsi qu’un vrai sens du romanesque donne envie d’aimer le film et de féliciter les efforts de Richet pour créer un spectacle populaire de qualité.
Entreprise contrariée
Néanmoins, cette entreprise est quelque peu contrariée par quelques défauts qui empêchent véritablement au film d’emporter une adhésion complète. Tout d’abord les personnages secondaires sont beaucoup moins bien traités que Vidocq. S’ils sont incarnés par des acteurs de talent, leur absence d’écriture et d’épaisseur empêche qu’on s’attachent à eux véritablement. Un exemple revient particulièrement à l’esprit avec le personnage de James Thiérée, sublime acteur remarqué dernièrement dans Chocolat, homme de théâtre et de cirque surdoué. Son rôle de militaire, aristocrate déchu en quête de ses biens confisqués par la République puis l’Empire, n’est qu’esquissé, tout juste approché alors qu’il était très prometteur. Seule sa sortie, à la toute fin du film, permet à Thiérée de démontrer l’ampleur de son talent. Cela se retrouve sur presque tous les autres personnages, déambulant furtivement à l’écran, éclipsés par un Vidocq omniprésent, ne laissant pas se développer toutes les bonnes idées d’un script pourtant riche.
Le film recèle un « ventre mou » un peu décevant, où l’émotion et le rythme retombe, ce pour introduire notamment le personnage d’August Diehl, intronisé grand méchant du film à mi-chemin. Si c’est une bonne idée, il est quelque peu étonnant de voir disparaître un personnage pour en voir apparaître un autre, en un instant géré à toute vitesse, ce qui donne un sentiment de déséquilibre assez malheureux. Les scènes autour de Fabrice Lucchini, incarnant Fouchet, haut personnage de l’Empire, sont également un des moments faibles du film. Inutilement verbeuses, confuses, elles sont pour beaucoup dans le problème de rythme de cette moitié de film qui voit basculer Vidocq en super-flic du régime, le consacrant héros à part entière.
Grande ambition, mission accomplie
Malgré ces critiques il faut reconnaître à Richet un sens de la dramaturgie et de l’action plutôt réjouissants. Le final est très réussi et prenant, réussissant dans sa mission de divertissement. La reconstitution historique est réussie, on voit à l’écran tous les efforts pour re créer un Paris du début du XIXème siècle, avec de nombreux petits détails qui rendent le tout crédible et passionnant. Si on est pas dans un film politique avec L’Empereur de Paris, au contraire de Un peuple et son roi de Pierre Schoeller, l’ambition de départ de divertir avec rigueur et qualité est en grande partie remplie.
L’empereur de Paris est donc un film plaisant, non exempt de défauts dans son écriture, qui délivre son lot de frissons et de plaisir. Vincent Cassel met son l’éteignoir tout le reste du casting du film, mais il joue un Vidocq crédible et fascinant qu’on a plaisir à voir se transformer de bagnard en policier, débusquant ses anciens camarades malfrats, pour acquérir sa grâce tant espérée. Félicitons Jean-François Richet d’être revenu à ce type d’ambitions, plus vues chez lui depuis son Mesrine sorti il y a déjà dix ans.