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JESSIE

Pépite

C’est le week-end de la dernière chance pour Jessie et Gerald, couple de quarantenaires dont le mariage autant que la vie sexuelle battent sérieusement de l’aile. Dans leur maison de vacances, isolés, Jessie est menottée au lit, dernière tentative de fantasme inavoué. Son mari, pris d’une crise cardiaque, s’effondre et l’abandonne sans possibilité de secours…

Total Eclipse Of The Heart.

Ces temps-ci, c’est presque à se demander pourquoi n’a pas déjà été annoncé en grande pompe un Stephen King Universe tant les adaptions de l’écrivain foisonnent à intervalles très réguliers. The Mist par Netflix, The Dark Tower, la série encore discrète mais diablement efficace Mr. Mercedes, et désormais Jessie (Gerald’s Game en VO). L’adaptation du roman éponyme, si elle est balancée quasi-par dessus l’épaule comparativement aux noms précédents, possède un atout de charme que les fouineurs de l’horreur contemporain tiennent en bonne majorité pour chouchou. Cet atout, c’est un nom : Mike Flanagan. Le réalisateur américain, encore discret chez le grand public, possède ses groupies. À son crédit, une belle percée (Oculus) suivie d’une brochette de titres toujours réussis, à des degrés divers : du sauvetage miraculeux Ouija : Les Origines à l’un des films d’horreur les plus déchirants de ces dernières années, Before I Wake, en passant par l’efficace thriller Hush (ces deux-ci sont d’ailleurs à découvrir sur Netflix), l’homme est devenu gage d’un certain sceau de qualité que l’on apprécie d’autant plus dans un genre où les déceptions font loi.

Nombreux sont ceux, auteur présent compris, qui ont donc lancé les yeux fermés un Jessie qui a encore pour lui son sujet. Un livre cru, violent, sur un postulat tout simple : partis s’isoler dans une maison déserte, un couple, Gérald et Jessie (respectivement Bruce Greenwood et Carla Gugino), voit sa petite tentative de piment sexuel se transformer en macabre situation : ce cher Gérald est victime d’une crise cardiaque et laisse Jessie menottée à un lit qui risque bien de devenir sa tombe. Le film part donc en direction d’un huis-clos singulier où toutes les portes sont ouvertes, où le téléphone capte et où la voiture a sa jauge de carburant au max. Pourtant, ce sont bien l’immobilisme et le silence qui accompagnent Jessie le long de cette quête simple au possible. Celle d’éviter que son lit conjugal devienne son lit de mort. Le silence, il est d’ailleurs assourdissant : la conséquence d’un premier choix de Flanagan de se dépouiller totalement (ou presque) de bande originale et de limiter au minimum les impacts sonores. Un choix cohérent, puisque les seules images créés de cette situation d’extrême solitude et d’immuabilité sont celles, intérieures, des souffrances de Jessie. Ses émotions sont représentées seulement par ceux qui en symbolisent le mieux la peine. La voilà forcée de faire face à ses démons, et mieux encore, de trouver un moyen d’en exploiter les regards brûlants à son avantage.

Bêtes et méchants

Merveille de montage, Jessie est évidemment dur dans ce qu’il montre factuellement, autant dans le spectre des exactions physiques (certaines scènes sont difficilement soutenables) que psychologiques (certaines scènes sont difficilement soutenables). Pour autant, Mike Flanagan, auteur fascinant de l’empathie dans l’horreur, possède la faculté de ne pas mettre davantage en avant sa mise en scène que les fardeaux que portent ses personnages. Jamais tape à l’œil mais toujours forts de sens, les souvenirs qu’il projette en couleur retranscrivent parfaitement le calme trompeur des songes par des plans éthérés, ou la duplicité des mémoires refoulées. Le réalisateur n’éclipse jamais un propos écarlate, qu’il place toujours au premier plan. Il n’hésite pas non plus à trancher dans le vif par rapport au livre original, à rééquilibrer le temps de parole de certains en changeant l’angle de leur symbolique, à mélanger ça et là d’autres influences de King qu’il conviendra de découvrir.

Jessie peut enfin servir d’intrigante équation pour ceux qui voudraient découvrir la filmographie de Mike Flanagan et Jeff Howard, son comparse qui l’accompagne quasi-systématiquement au scénario. On y retrouve la peur exorcisée par l’empathie et la compréhension (Before I Wake), le survival porté par un personnage féminin fort et cohérent (Hush), les traumatismes de l’enfance et leur impact distordant sur le réel (Oculus). Et quand bien même le spectateur aurait coché chacun de ces films dans son carnet, Jessie cache son petit lot d’easter eggs bien sympathiques – dont un dissimulé juste derrière son cou. La seule fausse note du film tient dans son épilogue hors-sujet et franchement dispensable. Heureusement, celui-ci tenant bien plus d’une ouverture que d’un vrai élément narratif, et face à la réussite des 90 minutes qui le précédent, on l’excuse et on l’oublie sans sourciller. Plus qu’un simple thriller du soir, Jessie est une vrai pépite à savourer. En signant Flanagan, Netflix a fait une recrue discrète, mais ô combien réjouissante pour ses abonnés.

La fiche

JESSIE
Réalisé par  Mike Flanagan
Avec Carla Gugino, Bruce Greenwood, Carel Struycken…
Etats-Unis – Thriller, Horreur
Sortie :  29 septembre 2017
Durée : 103 min
 




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