LA FAVORITE
La ficheRéalisé par Yorgos Lanthimos – Avec Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone…
Grande-Bretagne – Historique, drame – Sortie : 6 février 2019 – Durée : 120 min
Synopsis : Début du XVIIIe siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustation d’ananas. La reine Anne, à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie Lady Sarah gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle servante, Abigail Hill, arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail, elle, va y voir l’opportunité de renouer avec ses racines aristocratiques…
La chasse à la cour
Yorgos Lanthimos est le chouchou des festivals. Depuis son troisième long métrage, Canine, auréolé du prix Un certain regard, le cinéaste grec a été primé pour tous ses films à Cannes ou Venise. Sur la Croisette, The Lobster a reçu le Prix du jury et Mise à mort du cerf sacré, celui du scénario. Du côté de la lagune, c’est Alps qui fut récompensé pour son scénario tandis que La Favorite a décroché le Grand prix du jury, ainsi qu’un prix d’interprétation féminine pour Olivia Colman. Un palmarès de bon élève auquel il manque encore la reconnaissance du grand public.
La favorite pourrait bien être le film avec lequel le cinéaste grec élargira son cercle d’admirateurs. Si Canine était peut-être trop iconoclaste, The Lobster trop cérébral ou si l’ironie de la dimension pompeuse de Mise à mort du cerf sacré a pu être mal comprise, le nouveau Lanthimos est sans doute plus accessible. Son auteur n’en n’a pas pour autant perdu son mordant ni son sens du sarcasme.
Cette intrigue de cour, avec ces jeux de pouvoir et de domination mouvants, est on ne peut plus propice à un petit jeu de massacre aussi fielleux que ludique. Le scénario s’amuse à agencer le ménage à trois officieux formé par ces héroïnes en nouant les différentes combinaison possibles pour mieux les défaire dans la foulée. Servis par trois interprètes géniales – Olivia Colman et Emma Stone en tête, Rachel Weisz un poil en dessous – ces chassés-croisés affectifs – essentiellement mus par l’orgueil – sont un pur plaisir de spectateur. Sorte de cousin de luxe du Mademoiselle de Joncquières qui, il y a quelques mois mettait déjà en scène un jeu de dupes et de manipulations amoureuses enrobées dans de belles paroles, La favorite, nous offre une espèce de télé-réalité sous les dorures du XVIIIe siècle où les caresses cachent des intentions venimeuses. On se délecte de voir le trio d’héroïnes multiplier les piques mouchetées les unes envers les autres.
Le sens de l’absurde de Yorgos Lanthimos est intact. En témoignent les scènes de danse avec des chorégraphies et gesticulations anachroniques que n’auraient pas reniés les Monty Python. Le cinéaste grec a également conservé son goût pour la méchanceté et la cruauté. Gare aux morsures sous les rires.