MAYA
La ficheRéalisé par Mia Hansen-Løve – Avec Roman Kolinka, Aarshi Banerjee…
France – Drame, romance – Sortie : 19 décembre 2018 – Durée : 105 min
Synopsis : Décembre 2012, après quatre mois de captivité en Syrie, deux journalistes français sont libérés, dont Gabriel, trentenaire. Après une journée passée entre interrogatoires et examens, Gabriel peut revoir ses proches : son père, son ex-petite amie, Naomi. Sa mère, elle, vit en Inde, où Gabriel a grandi. Mais elle a coupé les ponts. Quelques semaines plus tard, voulant rompre avec sa vie d’avant, Gabriel décide de partir à Goa. Il s’installe dans la maison de son enfance et fait la connaissance de Maya, une jeune indienne.
La critique du film
Six films en onze ans, dont trois avec Roman Kolinka. Ces deux informations en disent déjà beaucoup sur le cinéma de Mia Hansen Love. Tout d’abord quelle est une boulimique de travail, les films se succédant, sans temps morts, dans un rythme de production que beaucoup lui envient, tellement il est difficile d’enchaîner les films comme elle le fait depuis Tout est pardonné en 2007. Ensuite, cela nous dit également que c’est une réalisatrice qui aime travailler avec une équipe de fidèles. Révélé dans Eden, co-écrit avec son frère Sven Hansen-Love, Roman Kolinka tient dans Maya le premier rôle, après avoir partagé l’affiche avec Isabelle Huppert dans L‘Avenir le précédent film de Mia Hansen-Love.
Maya incarne particulièrement bien le sillon tracé par la réalisatrice : un film sensible, tout en retenue, qui met du temps à se livrer, mais trouble dès qu’on y repense. Le rythme du film est très lent, semblant vouloir installer une routine, des déplacements simples, une vie proche de l’ascétisme, recherchant le dénuement, que ce soit en France ou en Inde. Mais l’orage semble toujours proche, tonnant au loin, menaçant de frapper de ses éclairs nos protagonistes. Gabriel est un homme sortant d’une lourde captivité, otage en Syrie il doit se ressourcer avant de poursuivre sa vie. Son pays de Cocagne, lieu de l’enfance, est Goa, ville de la péninsule indienne, où il a une maison léguée par ses parents, séparés depuis presque toujours. S’il se meut presque comme un local, sa silhouette malingre et son regard vide trahissent le traumatisme des grands blessés.
En pointillés…
Il est dès lors intéressant que le choix du titre soit le nom de cette jeune femme qui intervient subitement dans la vie de Gabriel. Plus jeune que lui, encore étudiante, fille de son parrain indien, Maya arrive comme un médicament pour le journaliste. Elle s’impose par sa délicatesse, sa présence, sa douceur. On pense notamment à cette très belle scène où elle signale à Gabriel qu’elle sait qu’il a été otage. Elle lui dit cela juste pour qu’il sache qu’elle est au courant. Comme si entre eux ne pouvait exister de mystère, de faux semblant. L’authenticité de leur relation est dès lors à couper le souffle, sans efforts ni exagération, avec naturel et sans heurts. Il y a beaucoup de fatalité dans ce récit qui émeut avec une réserve incroyable. Chaque geste et chaque événement est abordé avec cette distance qui est à double tranchant : on peut rester à l’écart de ce couple et leur histoire, ou fondre complètement avec eux par la beauté de leur rencontre, presque improbable.
C’est en quelque sorte un résumé du cinéma de Mia Hansen-Love, rien de tapageur, pas de geysers d’émotions, mais plutôt des pointillés, quelques sommets mais discrets et ténus. Tout juste une larme échangée pour rappeler que, peut-être, il est question d’amour, et aussi de liberté, mais guère plus. Derrière tout cela la vie reprend son court, implacable, car après tout on ne peut rien faire d’autre que de continuer à suivre son développement. Cette légèreté là est tellement fugace qu’on imagine parfois l’avoir ratée, elle échappe presque à l’attention du spectateur, mais frappe par ses réminiscences, dès qu’une image apparaît de nouveau. C’est alors que les frissons apparaissent, et que fleurissent les émotions jusque là contenues. C’est la marque des très grands que de réussir à contenir à ce point ses émotions, pour privilégier la pudeur, pour se révéler plus tard, preuve de leur présence en nous, peut être pour toujours.