SEULE LA TERRE
Dans un trou du Yorkshire, Johnny passe ses journées à bosser dans la ferme de ses parents et ses soirées à se mettre des mines dans le pub du coin. Une énième victime de cette diagonale du vide made in UK qui se résigne à faire perdurer seul l’affaire familiale pendant que ses potes ont depuis longtemps quitté cette cambrousse pour la fac des grandes villes. Une routine peu glorieuse bousculée par l’arrivée d’un saisonnier roumain, Gheorghe. Accueilli d’abord avec méfiance, Johnny va peu à peu se découvrir des sentiments amoureux pour ce travailleur détaché.
Critique du film
Ce récit touchant qui aurait pu sortir tout droit de la tête de Ken Loach est remarquablement mis en scène par Francis Lee, dont c’est le premier film. Pour autant, le réalisateur passé par Sundance, Berlin et Dinard n’en est pas reparti les mains vides. Passé quelques clichés involontaires – on passera sur le dur à cuire qui s’amourache du beau gosse tout droit sorti d’une pub Zara qui donne le biberon aux agneaux – on est plutôt séduit par ce Brokeback Moutain dans la campagne anglaise. Là où on aurait pu s’attendre aux traditionnelles scènes d’homophobie (qui plus est dans ce coin reculé), le réalisateur Francis Lee raconte surtout la difficulté de rencontrer quelqu’un dans un environnement aussi hostile. Ce n’est finalement pas la sexualité de Johnny qui préoccupe ses parents, mais son devoir de travailler dur pour faire tourner la ferme.
On sent le travail préparatoire intense des deux acteurs pour traduire le plus fidèlement possible le quotidien agricole, à s’occuper des animaux et des infrastructures, et rendre hommage à ces bosseurs acharnés. Ils sont le catalyseur émotionnel de cette histoire sincère (notamment dans son dernier tiers), au milieu des paysages fascinants d’un coin de Yorkshire qui n’est pas sans rappeler étrangement par moments Harry Potter 7.1. S’il ne croule pas sous l’originalité de son propos, Seule la Terre est un joli film honorable qui donne une nouvelle voix au cinéma britannique.
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