TRANSIT
De nos jours, à Marseille, des réfugiés fuyant les forces d’occupation fascistes rêvent d’embarquer pour l’Amérique. Parmi eux, l’Allemand Georg prend l’identité de l’écrivain Weidel, qui s’est suicidé pour échapper à ses persécuteurs. Il profite de son visa pour tenter de rejoindre le Mexique. Tout change lorsque Georg tombe amoureux de la mystérieuse Marie, en quête désespérée de l’homme qu’elle aime, et sans lequel elle ne partira pas…
Vénéneux.
Quatre ans après le troublant Phoenix, variation hitchcockienne du film d’espionnage, le cinéaste allemand Christian Petzold revient avec Transit, adaptation non moins troublante d’un roman écrit en 1944 par Anne Seghers.
Petzold a eu ici la bonne idée de ne pas en tirer une adaptation littérale, en transposant le récit dans une France contemporaine, devenue un état fasciste et policier persécutant ses réfugiés. Transit est donc une dystopie inquiétante, où le contexte des années 40 se retrouve comme projeté à notre époque pour un résultat assez perturbant : il faut bien dix minutes au spectateur pour parvenir à situer dans quel espace-temps l’histoire est supposée se dérouler.
Formellement parlant, on ne peut pas dire que la caméra de Christian Petzold fait des étincelles. On est ici dans le formalisme discret et épuré, tout en précision chirurgicale et rigidité allemande ; mais une rigidité d’apparence seulement, car sous ses aspects quelque peu figés, le film dégage un indéniable mystère teinté de charme vénéneux, accompagné par une voix-off (issue du roman et narrée par Jean-Pierre Darroussin) donnant au récit un aspect romanesque feutré et intemporel, plein de fausses pistes et de faux-semblants.
Il fallait donc des interprètes à la hauteur pour dégager le trouble nécessaire. Et c’est là que l’interprétation magnétique de Franz Rogowski fait des merveilles, cette gueule cassée aperçue dernièrement dans Happy End de Michael Haneke et capable de passer avec fluidité de l’allemand au français dans une seule et même phrase. Le cinéaste allemand peut également dire un grand merci à la magnifique Paula Beer, comédienne qui avait déjà marqué de son empreinte diaphane et sensuelle le Frantz de François Ozon. Son talent éclate ici une nouvelle fois, tant chacune de ses apparitions quasi fantomatiques élève le film à des cimes auxquelles le spectateur ne s’attendait pas forcément.
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