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FLOW

Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l’eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux.

Critique du film

Dès la lecture du synopsis et l’aperçu des premières images de Flow, difficile d’échapper à la comparaison avec le jeu vidéo Stray, développé par le studio français BlueTwelve et vainqueur du prix du meilleur jeu indépendant de l’année aux Game Awards de 2022. La ressemblance sera d’autant plus naturelle lorsqu’Annapurna Animation (Nimona) sortira l’adaptation du jeu vidéo en film : dans les deux cas, un chat vagabonde dans un monde post-apocalyptique et doit faire équipe avec d’étonnants compagnons pour survivre. Dans Stray, ces compagnons sont des robots humanoïdes. Dans Flow, un chat noir s’allie avec des animaux pour s’adapter à la montée des eaux.

Après Ailleurs, son premier film présenté à Annecy en 2019 qu’il a quasiment réalisé seul, Gints Zilbalodis a cette fois-ci agrandi son équipe (moins d’une trentaine de personnes) pour s’attaquer à Flow. Un projet plus ambitieux, plus long, plus perfectionné, qui lui a demandé quatre ans de développement. Le long-métrage emprunte de nombreux codes aux cinématiques de jeux vidéo : si les environnements se veulent réalistes, les traits des animaux ne le sont pas complètement. Leurs animations, en revanche, semblent extraites d’un documentaire animalier. Les étirements du chat, le remuement de queue du chien, les crises de panique du lémurien… Chaque espèce a été étudiée en profondeur pour être représentée le plus justement possible.

Parce que dans Flow, c’est tout un équipage éclectique qui collabore pour survivre à une crue diluvienne. Les humains ont visiblement disparu depuis quelque temps, mais les vestiges de leur civilisation perdurent : statues, villes, dessins… et bateaux, qui seront bien utiles à toute une flopée d’animaux. À bord de celui que l’on suit, un rassemblement improbable : un lémurien kleptomane, un labrador joueur, un capybara ronfleur, un échassier protecteur et charismatique. Avec eux, notre adorable chat noir peureux et solitaire, terrifié par l’eau et la vie en groupe (c’est d’ailleurs sur son reflet dans l’eau que s’ouvre le film). Malgré l’absence totale de dialogues et de présence humaine, Gints Zilbalodis a réussi son pari : il a d’abord fait sensation dans la sélection Un Certain Regard de Cannes, puis a remporté le prix du jury et le prix du public à Annecy. Et ces succès relèvent de l’évidence, tant le long-métrage parvient à dépasser le simple survival animalier.

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La Voie de l’eau

Après une introduction à hauteur de chat, alors que notre protagoniste fuit des hordes de chien et tente tant bien que mal de subvenir à ses besoins, Flow grandit en un récit mystique, une œuvre de toutes les échelles. Gints Zilbalodis prend cependant soin de ne pas brûler les étapes, et l’entrée dans l’onirisme se fait pas à pas. D’abord, les cinq compagnons se retrouvent dans des situations difficiles : l’un doit dire adieu à ses bibelots, l’autre ne trouve pas de compagnon de jeu, un troisième trahit les siens par altruisme pour une autre espèce. Tous sont confrontés à des décisions difficiles, condamnés à abandonner leurs habitudes pour s’adapter. 

Zilbalodis facilite l’identification à ces animaux pour le spectateur, mais prend soin de ne pas les humaniser. Leurs comportements créent de nombreuses séquences comiques — voire hilarantes. Difficile de ne pas craquer devant la nonchalance du capybara, qui au lieu de paniquer face au danger fait simplement marche arrière sans la moindre expression sur son visage. Les différences de caractère favorisent les interactions loufoques et permettent au long-métrage de trouver le juste milieu entre comique de situation et contemplation. 

À mi-chemin, après l’intervention d’une majestueuse baleine — qui fait écho à Payakan d’Avatar 2 — l’œuvre entre dans une nouvelle dimension, et l’onirisme prend le pas sur le réalisme. La splendeur des décors et de l’animation fait de chaque plan un tableau, et le changement d’échelle fonctionne parfaitement. À cette beauté s’ajoute un remarquable travail sonore, et l’addition de tous les bruits (chant d’oiseau, miaulement, vent dans les feuilles) participe à la création d’un univers aussi cohérent que fascinant. La musique majestueuse — co-composée par Gints Zilbalodis et Rihards Zalupe, lauréats du prix de la meilleure bande-originale à Annecy — donne à Flow toute la grandeur qu’il lui manquait pour pleinement épouser sa dimension mystique, voire biblique.

Cette arche de Noé improvisée fait partie d’un cycle éternel de vie et de mort, sur lequel Gints Zilbalodis met le doigt sans fatalisme. Récit d’apprentissage et existentialisme se confondent, alors que le matou noir observe de nouveau son reflet dans une mare d’eau, cette fois-ci bien entouré pour entamer cette nouvelle ère.


FEMA La RochelleCannes 2024




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