FRUITVALE STATION
Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, 22 ans, croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale, San Francisco. Le film raconte les vingt quatre heures qui ont précédé cette rencontre.
Redemption song
Présenté à Cannes dans le cadre de la sélection Un certain regard et reparti de Sundance avec le Grand Prix et le prix du public, Fruitvale station tire son scénario d’un tragique fait-divers survenu en 2009 aux Etats-Unis, dans la ville de San Francisco. Co-produit par Forest Whitaker, que l’on récemment vu dans Zulu, Fruitvale station a été confié au débutant Ryan Coogler qui devrait prochainement mettre en scène le spin-off de Rocky, Creed.
À l’issue de la projection, une question subsiste : quels sont l’objectif et le message de ce film qui raconte la journée d’Oscar précédant cet accident très médiatisé (puis politisé) outre-atlantique ? En tant que citoyen français forcément passé à côté du tollé médiatique provoqué par cet événement et de la scission apparue entre les défenseurs des forces de l’ordre et ceux de la victime, il est difficile de saisir si le réalisateur a cherché à prendre un quelconque parti. Cela apparait peu probable si l’on y réfléchit plus profondément, le film ne prenant pas position quant aux responsabilités de chacun.
Coogler suit Oscar dans sa vie quotidienne, avec sa compagne, sa fille, sa mère. Il nous raconte aussi ses erreurs passées et présentes : celles qui l’ont envoyé derrière les barreaux, celles qui révoltent encore sa mère et surtout sa petite amie Sophina qui aimerait le voir enfin (s’)assumer. Le jeune père tente de se racheter une conduite, tant bien que mal. On sent que les hommes à l’origine de ce projet ont souhaité humaniser ce personnage, potentiellement dépeint par certains (médias et groupes) comme un criminel n’ayant récolté au final que ce qu’il avait semé. Pour autant, Ryan Coogler ne cherche pas d’excuse à son personnage : rien ne l’obligeait à dealer de la drogue. Il montre au spectateur le jeune plutôt nonchalant qu’il est, le garçon qui a bon fond et les efforts entrepris par celui-ci pour s’en sortir.
Quelle est la part de fiction et celle de réalité dans cette histoire qu’il nous raconte ? Si l’on n’a pas forcément la réponse, on peut en tout cas s’interroger sur les possibilités de réellement y parvenir quand on a 22 ans, qu’on vit dans un quartier pauvre, qu’on n’a quasiment aucune qualification et qu’on traîne un certain passif judiciaire. Le film n’apporte pas véritablement de réponse et ne se voile pas la face, pas plus qu’il n’angélise pas le personnage d’Oscar et son contexte de vie. Il est plutôt question de fatalisme, de réinsertion, de volonté et d’engagement, d’erreurs et de responsabilité. Les thèmes explorés dans la partie centrale du film sont plutôt pertinents même s’ils ne sont pas étoffés.
En revanche, le dernier segment pose davantage problème, pour les questions qu’il ne soulève pas et pour son manque de subtilité dans la dimension (mélo)dramatique. Effectivement, le seul reproche légitime qui pourrait être fait à Fruitvale station est qu’il insiste beaucoup trop sur l’émotion, utilisant l’argument du « père de famille » à de trop nombreuses reprises. Cette corde lacrymale étant trop sollicitée, on s’interroge : pourquoi insister à ce point ? Le destin de cet Oscar était déjà bien assez tragique, qu’on le perçoive comme un jeune voyou ou non, il ne nécessitait pas une emphase aussi maladroite sur son statut de papa d’une petite fille pour nous tirer la larme. C’est l’erreur commise par le néophyte Ryan Coogler, qui s’en sort malgré tout avec les honneurs, dirigeant avec beaucoup de justesse son impeccable casting : Michael B. Jordan (Chronicle) et Melonie Diaz (Long way home) très justes, aux côtés de l’oscarisée Octavia Spencer (La couleur des sentiments).
Un mélodrame social et humaniste qui mérite que l’on s’y attarde en dépit son absence de point de vue et ses errements lacrymaux.
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