GOODBYE JULIA
Au Soudan, où les guerres de religions déchirent le pays en deux, une amitié soudaine lie Mona, une riche musulmane du Nord à Julia, une catholique du Sud, démunie après la mort de son mari. Cette relation cache en fait un secret qui risque de perturber l’équilibre de Mona.
Critique du film
Mona vit dans une belle maison confortable avec son mari qui tient une usine de bois. Ils n’ont pas d’enfants et les affaires marchent si bien que Mona n’a pas besoin de travailler. Non loin de là, Julia, son mari et leur fils de 5 ans galèrent pour vivre décemment. Un incident regrettable va se juxtaposer à la porosité de ces deux mondes et forcer la rencontre des deux femmes.
Le dilemme moral et la culpabilité sont au cœur de ce drame soudanais à la sensibilité maîtrisée. Pour son premier film, Mohamed Kordofani capture les tensions de son pays à travers deux personnages féminins n’ayant a priori rien en commun. Les affrontements, d’abord relégués en toile de fond, s’effacent progressivement pour laisser l’histoire se concentrer sur les rapports de plus en plus proches des deux nouvelles amies. Bien que l’on connaisse les réelles motivations de Mona, le scénario est habilement construit et on se prend alors facilement au jeu de ce rapprochement. En évitant les clichés de la confrontation riche/pauvre qu’un tel contexte socio-géographique laissait craindre, Kordofani évoque avec détachement et bienveillance les dissensions, le racisme et la lutte des classes qui sévissent dans son pays.
Il a également trouvé la grâce à l’aide d’un casting impeccable. La complicité de Siran Riak et Eiman Yousif, les deux actrices principales, semble évidente et leur joie à être ensemble est communicative. Finalement, Mona et Julia se trouvent plus de points communs qu’elles l’auraient pensé. Elles sont peut-être issues de deux mondes différents, elles n’en sont pas moins aliénées par le système patriarcal en place, qui régit dans les deux cas les marches de manœuvre des femmes.
Malheureusement, une sous-intrigue bien intentionnée mais superflue parasite l’histoire et l’étire plus que nécessaire. En ajoutant à l’intrigue le besoin d’émancipation des deux femmes, au travers de la chanson pour l’une et de la reprise d’études l’autre, Kordofani dévie de sa trajectoire initiale. Goodbye Julia se retrouve alors lesté d’une demi-heure dispensable qui embourbe le dénouement de son récit et charge la fin de différents tiroirs pas toujours glissants. Dommage pour un film qui tenait pourtant bien debout jusque-là.
Présenté dans la sélection Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, Goodbye Julia est malgré tout un solide premier film qui offre au Soudan l’espoir d’un renouveau cinématographique. Le pays qui depuis La Chanson de Karthoum (1955), son premier film en couleur, jouissait d’une industrie en bonne santé se relève petit à petit mais non sans contraintes après trente ans de dictature.