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HIS DARK MATERIALS

Vous souvenez-vous du film La Boussole d’Or, sorti en 2007 ? Non ? Quelle chance ! Si pour un néophyte il pouvait s’agir d’un divertissement incolore et inodore comme Hollywood en sort des dizaines par an, les mordus de la trilogie His Dark Materials (À la croisée des mondes en VF) avaient, à raison, crié à la trahison, tant New Line avait mis tout son cœur pour en faire une œuvre fade et vidée du contenu subversif des livres. Après quelques années passée dans les limbes d’Hollywood, une nouvelle adaptation fut annoncée en 2015 par la BBC ; un retard de deux années sur le planning initial plus tard et l’arrivée de HBO dans le bal (en tant que co-producteur et diffuseur à l’international), His Dark Materials arrive enfin sur les écrans britanniques (le 3 novembre) puis américain (le lendemain) avant d’être diffusé sur OCS en France le surlendemain. Hallelujah !

Quoique… encore faut-il s’assurer que la copie délivrée par la Beeb soit à la hauteur de l’oeuvre qu’elle adapte. Car His Dark Materials est une trilogie dense, très dense : évoquant pêle-mêle la foi, l’autoritarisme et le fanatisme religieux, la construction de l’âme humaine, la filiation, la physique quantique et la théorie des cordes, les livres de Sir Philip Pullman peuvent déstabiliser qui s’attend à lire de la fantasy classique (encore plus quand on sait qu’ils étaient vendus comme livres jeunesse il y a vingt ans). Il fallait donc trouver un équilibre difficile entre le point de vue enfantin et pré-adolescent de Lyra tout en mettant en scène des mondes complexes et dangereux pour qui s’oppose au tout puissant Magisterium.

Notre avis sur les premiers épisodes

Si les quatre premiers épisodes (sur une saison qui en comptera huit) parviennent à saisir ce premier aspect, ils peinent à donner vie au second. En soi, His Dark Materials n’est pas mauvaise, ni décevante ; il faut juste ne pas s’attendre à se prendre une claque dès le premier épisode (ni au quatrième). À qui la faute ? À une écriture peu subtile des personnages qui peinent encore à cerner toutes leurs facettes, même si on note une amélioration sur le quatrième épisode. Ensuite à une mise en scène moyenne, avec un Tom Hooper sur les deux premiers épisodes qui ne fait guère dans l’originalité (pas aidé par une photo terne) ; et si le montage tente de corriger ce défaut, l’enchaînement de coupes rapides, notamment sur le premier épisode, rend le rythme trop artificiel. Quant au casting, il est pour le moment inégal : Ruth Wilson, malgré tout son talent, en fait trop et fait plus penser à Alice Morgan (son rôle dans Luther) qu’à Marisa Coulter, James McAvoy, dans ses rares apparitions, manque de prestance et Dafne Keen semble un peu trop sur la retenue dans les premiers épisodes (mais ça s’améliore dans le quatrième épisode).

Lyra dans la série His dark materials
Ce listing peut faire peur. Mais comme il est écrit plus haut, His Dark Materials reste un bon divertissement pour le moment. Clairement, la série a été pensée pour plaire au plus grand nombre : le rythme est assez soutenu, les événements s’enchaînent rapidement mais les enjeux ayant le mérite d’être clairement posés d’entrée (voire surexpliqués), le tout se suit sans déplaisir. La série se veut fidèle au premier tome, adaptant bien chaque passage clé et n’occultant pas le Magisterium et les problématiques religieuses et scientifiques, ce qui est appréciable en comparaison du film – même si il faudra être attentif à leurs développements sur l’entièreté de la saison. Et quand la mise en scène se fait plus inspirée et que le montage laisse le temps aux personnages de parler, cela donne des moments touchants et prenants. Et puis le plaisir de voir un Iorek sauvage et un Lin-Manuel Miranda qui dynamise l’ensemble dès qu’il apparaît à l’écran (même si son cabotinage en irritera plus d’un) fait pencher la balance vers le positif.

Bien sûr, cela ne suffira pas sur le long terme. Mais il paraît imprudent de juger une telle série, qui se déroulera sur deux saisons au minimum (la deuxième a déjà été commandée) sur la foi de quatre épisodes clairement introductifs où l’on sent la volonté de la BBC de montrer patte blanche aux fans des livres. Au contraire d’un film, une série peut et doit prendre son temps pour mûrir et devenir un incontournable : The Leftovers ne s’est pas bâtie en un épisode, tout comme Buffy, Six Feet Under, Friday Night Lights (quoique) et même l’indépassable The Wire. La deuxième partie de saison sera un juge de paix pour entrevoir le futur de la série : être de la trempe de la trilogie de base ou bien juste une bonne mais sage adaptation des romans. Pour le moment, elle se place dans la deuxième catégorie, mais le milieu de saison laisse augurer une amélioration. En espérant de tout cœur que ce soit bien le cas ; au pire, il nous restera toujours Andrew Scott et Lin-Manuel Miranda à admirer, il y a pire…

Bande-annonce

En US+24 dès le 5 novembre sur OCS.