HÔTEL DE FRANCE
Quand ils avaient vingt ans, Michel et Sonia se sont aimés. Ils faisaient partie d’une bande de copains provinciaux, et Michel en était le leader, celui qui « irait loin ». Mais il s’est arrêté en chemin, et voilà qu’ils se retrouvent tous à une réception quelques années plus tard. Sonia ne peut s’empêcher d’être déçue et Michel d’en être blessé.
Critique du film
Tourné en 1987, Hôtel de France constitue l’adaptation cinématographique d’une pièce d’Anton Tchekhov – Ce Fou de Platonov – que Patrice Chéreau avait déjà monté au théâtre avec sa troupe des Amandiers de Nanterre. Il retrouve ici une partie de son équipe : Valeria Bruni Tedeschi, Vincent Pérez, Laurent Grévill, Marianne Denicourt ou Bruno Todeschini par exemple.
Comme souvent dans le théâtre de Tchekhov, il est ici question de déception par rapport à la vie, par rapport à ce qu’on est devenu et qui paraît soit dérisoire, soit méprisable, comparée à celle dont l’on rêvait. Les espoirs se sont évaporés, la réalité a montré son visage dur et froid. La vie est insipide, les gens font semblant de s’aimer, on souffre et on pense à la mort. On est confronté à l’usure du temps et à la nostalgie et au regret de n’avoir pas su ou pu faire le pas ou prendre la décision qui aurait peut-être tout changé.
Transposé en 1987, dans la région d’Angers, Hôtel de France réunit un groupe d’amis, dont certains sont restés plusieurs années sans se revoir. Ce qui fait rejaillir espoirs déçus, blessures et rancœurs. « Tout le monde me croyait en route pour la gloire », dit Michel – Lauren Grévill – personnage central du récit, le fameux Platonov de Tchekhov. Michel n’est peut-être pas ce qu’il paraît au premier abord. Volontiers cynique, agressif et sûrement manipulateur, sa présence et ses retrouvailles avec Sonia – Valeria Bruni Tedeschi – vont très rapidement venir troubler l’ambiance de fête qui perd très vite de son attrait.
Les interprètes d’Hôtel de France, pour beaucoup à leurs tout débuts, délivrent des compositions fiévreuses, incandescentes. La direction d’acteur de Patrice Chéreau s’avère impeccable et les jeunes artistes, à n’en pas douter, avaient sûrement conscience de vivre un moment exceptionnel – un documentaire a même immortalisé ce tournage. On appréciera enfin la très belle photographie de Pascal Marti, bien mise en valeur par la restauration orchestrée par Pathé en 2022. Très fidèle à l’esprit du grand écrivain russe, Hôtel de France contient aussi beaucoup d’éléments propres à l’univers de Patrice Chéreau vus dans des films précédents – L’Homme blessé – ou postérieurs – Ceux qui m’aiment prendront le train, avec une vision très sombre des rapports humains.