I CARE A LOT
Critique du film
I care a lot nous présente une tutrice de renom qui, nommée par les tribunaux, escroque ses clients âgés à leurs dépens et les dépouille de leurs actifs. Théoriquement, ce système a été imaginé pour protéger les personnes vulnérables, mais Marla Grayson l’exploite à son profit, ayant mis en place une arnaque bien huilée dans laquelle elle et sa partenaire Fran s’attaquent aux personnes âgées aisées, convaincant un juge que leur client est mentalement inapte. Avec l’appui de la justice, Marla expédie ses « protégés » en EHPAD et liquide leurs biens, empochant les bénéfices pour elle-même dans le strict respect de la légalité.
Incarnée par la vénéneuse Rosamund Pike – que l’on n’avait plus vue aussi délicieusement calculatrice depuis Gone girl -, Marla pose son dévolu sur Jennifer (Dianne Wiest), une femme riche sans famille – en d’autres termes, la cible parfaite. Mais en s’en prenant à la senior qu’elle croyait isolée, elle attire l’attention de Roman (Peter Dinklage), un gangster qui n’est autre que le fils de Jennifer. Il envoie rapidement un avocat pour que Marla la libère de la maison de retraite, mais cette dernière, qui ne fait pas peur facilement, refuse. Il se retrouve contraint de prendre des dispositions plus radicales.
Le scénario de Blakeson arbore quelques idées ambitieuses, mais la plus intéressante est sa façon de jouer avec la loyauté du spectateur. Après une séquence d’ouverture qui illustre la monstruosité de Marla – escroquer les sans-défense et les enfermer contre leur volonté – cela ressemble à un soulagement lorsque Roman se présente pour sauver la pauvre retraitée séquestrée. Mais I Care A Lot vient troubler nos sentiments sur les personnages en positionnant Marla comme une femme incroyablement débrouillarde (qui a dû lutter contre le sexisme pour réussir) tandis que Roman s’affirme comme un trafiquant de drogue qui est loin d’être un ange – ou un agneau, pour reprendre la métaphore du film.
Dame de Pike
L’escalade du jeu du chat et de la souris entre Pike et Dinklage a un côté « plaisir coupable » appréciable, mais la fausse intelligence du script et son message éculé sur le rêve américain rendent difficile de se soucier autant que nous le devrions de qui sortira vainqueur de ce duel sans merci. Et il faut bien avouer qu’I Care A Lot s’efforce tellement de vendre son ambiance branchée et sardonique – avec ce faux décalage autour du redoutable gangster amateur de pâtisseries qui ne supporte pas qu’on touche à maman – pour véritablement convaincre. Quant au discours sur le capitalisme et l’individualisme en Amérique, il fonctionnerait mieux s’il n’était pas aussi convenu et auto-satisfait…
Enfin, il faut bien reconnaître que, si la comédie fonctionne assez bien durant la première heure, le film commence à patiner lorsqu’il faut passer la seconde et le scénario tente alors de rivaliser d’ingéniosité pour relancer l’intérêt – quitte à s’asseoir désormais pleinement sur la crédibilité et ne pas lésiner sur les twists. On en vient même à se demander comment l’un (le gangster) comme l’autre (l’arnaqueuse) ont réussi à survivre en faisant des choix aussi irréfléchis à certains moments…
Heureusement, l’interprétation de Rosamund Pike sauve la mise et maintient notre intérêt jusqu’à son dénouement. Savoureusement sournoise et prête à tout, cette « Reine des glaces » piquante se révèle aussi impitoyable que son antagoniste masculin, manœuvrant face aux mafieux avec la même confiance pragmatique que pour déjouer le système juridique. Matérialiste sans cœur, Marla impose le respect en ne reniant rien de son instinct de survie indestructible – et un brin chanceux.
Malgré ses égarements bavards et ses rebondissements abondants – qui ne portent pas toujours leurs fruits -, I care a lot réussit (grâce à elle) à proposer un plat consistant à qui aime les épopées sur les anti-héros cupides. Mais, au-delà du dernier segment de l’intrigue qui enfonce les portes ouvertes, on regrettera surtout que le film n’ait exploré davantage les sentiers présentés lors de son exposition prometteuse. Il y avait de quoi alimenter un tout autre long métrage, pour faire de Marla une sorte d’alter égo féminin du Loup de Wall Street. Il y avait tout pour ça : le sujet, le personnage impitoyable charismatique, porté par une interprète qui l’est tout autant.
Bande-annonce
18 février 2021 (Netflix) – De J Blakeson, avec Rosamund Pike, Eiza Gonzalez, Dianne Wiest