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IT DOESN’T MATTER

« Quand tu crèves de faim, tu fais avec ce que t’as et tu en tires le meilleur, tu deviens un cordon bleu ». IT DOESN’T MATTER suit les pérégrinations d’Alvaro, un New Yorkais de Staten Island et de son ami cinéaste. Pendant sept ans, durant un périple qui lui fait traverser les États-Unis, Alvaro affronte tout ce qui a pu le mettre à terre. Il ne lui reste plus qu’à se relever et tenter de guérir.

Critique du film

Pour ceux, dont on fait partie, qui avaient apprécié le premier film du réalisateur, le viscéral et en partie autobiographique James White, le pitch est alléchant. À l’écran, c’est une autre affaire. Quand on imaginait un drame situé quelque part entre le road trip saturnien et la fable rédemptrice, la réalité s’avère différente. Il y a un peu de ça et beaucoup d’autre chose. It doesn’t matter est plus opaque, moins linéaire. Déjà, le film est constitué intégralement d’images tournées de manière artisanale (au smartphone, ou en tous cas, c’est l’effet voulu), ce qui peut dérouter à longue. De ce fait, on ne voit que rarement Alvaro à l’image, le personnage principal joué par Jay Will. Difficile, donc, d’être en totale empathie avec lui et ses aspirations, et ainsi de suivre sa quête aveuglément. D’autre part, la structure du montage étant assez fluide, notamment à cause de l’utilisation d’ellipses, les repères temporels sont parfois flous et il n’est pas toujours évident de raccorder les éléments entre eux. 

Une bonne partie du film trouve les personnages plongés au cœur du confinement, en pleine pandémie de Covid, période pendant laquelle l’histoire se développe à différents endroits des États-Unis. Même si l’on doute qu’elle ait été prévue dans un scénario imaginé depuis le milieu des années 2010, la crise sanitaire calque parfaitement à l’atmosphère désarticulée et aux repères brouillés qui caractérisent l’aventure. Aventure somme toute surprenante lorsque, dans un élan créatif difficile à définir au milieu du projet global, on note la présence de courtes animations habillant certaines séquences de couleurs et de fantaisie. Malgré ces quelques motifs amusants ou psychédéliques, la force du film ne provient pas de ses insertions mais bien de son dispositif. En effet, capter l’errance à travers une série d’images tournées en caméra subjective donne du poids et du sens à la démarche d’Alvaro. Il navigue à vue dans un monde à l’arrêt, au cœur d’une époque incertaine où personne ne sait vraiment à quoi ressemblera le futur proche. Et lui encore moins. 

Si la direction prise pour cette production a de quoi surprendre, d’autant plus après un premier film de facture plutôt classique, elle ravira les amateurs de formes hybrides ou novatrices, d’œuvres qui se démarquent dans le circuit pourtant bien balisé du cinéma US indépendant. Car on sent pointer chez Mond le goût de l’expérimentation et de la débrouille, l’envie d’explorer les possibilités, de jouer avec les contraintes, tout en restant dans une économie archi-modeste. Rien d’étonnant pour ce fan de Haneke et de Dumont formé à la production de drames indépendants remarqués (Martha Marcy May Marlene, Simon Killer). Avec un tel bagage et un sens aussi assumé de la narration, on hâte de voir où Josh Mond nous emmènera la prochaine fois, même en ayant été moins sensible à cette réalisation.



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