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JE M’APPELLE BAGDAD

Bagdad est une skateuse de 17 ans qui vit à Freguesia do Ó, un quartier populaire de la ville de São Paulo, au Brésil. Bagdad skate avec un groupe d’amis masculins et passe beaucoup de temps avec sa famille et avec les amis de sa mère. Ensemble, les femmes qui l’entourent forment un réseau de personnes qui sortent de l’ordinaire. Lorsque Bagdad rencontre un groupe de skateuses féminines, sa vie change soudainement.

CRITIQUE DU FILM

Pour certains le skate est un art de vivre, pour d’autres un sport ou alors, juste un passe-temps. Dans Je m’appelle Bagdad, son second long-métrage après De Menor, Caru Alves de Souza propose d’en faire un esquif joyeux destiné à naviguer les eaux vives que sont les vies des (jeunes) femmes dans les quartiers modestes du Brésil d’aujourd’hui.

Adaptation libre du livre de l’auteur pour adolescents Toni Brandão, le film suit le quotidien d’une jeune fille aussi singulière qu’attachante, partagé entre son cercle familial marqué par des figures féminines fortes, et sa passion qui, presque aussi populaire que le football, reste quasi exclusivement masculine. À l’image de son lieu de vie aux couleurs multiples, le récit chronique les espoirs et les révoltes qui la façonnent peu à peu en tant qu’individu.

SK8ER GIRL

Sans cesse confrontées à des remarques sexistes, dégradantes et d’une violence qui trouve son point culminant dans une scène de fouille au corps particulièrement difficile à regarder, l’héroïne et les femmes qui l’entourent rayonnent d’un bout à l’autre du récit, égayant leur rude réalité par leur humour et leur répartie. Si Grace Orsato porte solidement les divers propos du film sur ses jeunes épaules, on retiendra également la performance de Helena Luz en irrésistible petite dernière passionnée de conquête spatiale, ainsi que Karina Buhr dans le rôle de la mère de famille qui élève ses filles entre sourires et prise de conscience.

Bagdad skate

Face à ce noyau de solides valeurs, le monde du skateboard est bien moins chaleureux. Bien qu’elle partage leur passion, Bagdad se sent étrangère au milieu de tous ces garçons – dont l’humour, en comparaison, est graveleux à l’excès. Intégrée sans vraiment l’être, elle passe dès lors beaucoup plus de temps à filmer, à l’aide d’une caméra à main, leurs séances d’entraînement qu’à réellement y participer – avant de rejoindre un groupe de skateuses et de se sentir, enfin, à sa place.

ROUE LIBRE

La volonté de la réalisatrice (issue du monde documentaire) de préserver le naturel de son film est allée jusqu’à ne pas envoyer de scénario aux acteurs, optant pour des répétitions directement sur le tournage afin de créer en direct la dynamique des scènes et les répliques des personnages. Si le procédé fonctionne sur certaines séquences, d’autres s’en retrouvent plus desservies – peinant à créer un ensemble tout à fait cohérent. Enfin, certains passages dansés qui viennent entrecouper la narration filmique risquent, à défaut de marquer des pauses poétiques et ludiques, d’en perdre certains.

Entre le docu-fiction et le conte initiatique, filant parfois sur les divers sujets qu’il aborde comme sa protagoniste sur sa planche, la force de Je m’appelle Bagdad réside indéniablement dans sa dépeinte de personnages féminins farouchement indépendants et solaires – en opposition frontale avec la culture patriarcale dominante.

Bande-annonce

22 septembre 2021De Caru Alves de Souza, avec Grace Orsato