JE SAIS OÙ JE VAIS
Joan doit se rendre sur une île écossaise pour épouser un riche industriel plus âgé qu’elle, mais une tempête va l’empêcher de rejoindre son fiancé et lui faire découvrir un mode de vie bien différent de celui auquel elle aspire et un homme qui pourrait bien remettre ses plans en question.
« L’argent ne fait pas le bonheur ».
Voilà en substance la morale de Je sais où je vais qui, avec un scénario écrit en seulement cinq jours par Emeric Pressburger, s’apparente sur le papier à une fable sans grande prétention et suivant des sentiers bien balisés. Entendons-nous, cela n’a rien de dérangeant. D’une part parce que le scénario de Pressburger, avec une jolie romance comme fil conducteur et des personnages auxquels il est difficile de ne pas s’attacher, n’a rien de déplaisant, d’autre part parce que la véritable substance du film ne réside pas dans son histoire.
Cette fable n’est qu’un prétexte pour nous transporter sur les côtes écossaises, dans les Hébrides où le film a été en grande partie tourné. Les côtes rocheuses, le vent, les embruns, la brume… Je sais où je vais nous fait physiquement ressentir son ambiance marine, à laquelle s’ajoutent les châteaux en ruine, le gaélique et les danses des Highlands. Difficile, comme Joan, de ne pas succomber au charme de la région. La mise en scène de Michael Powell capte parfaitement l’essence des lieux, tant la rudesse de son climat que la joie de vivre de ses habitants, opposant souvent les plans en extérieur confrontés aux éléments à des plans en intérieur plus chaleureux. Le travail, en noir et blanc, sur la lumière est également à saluer, notamment à travers des plans en contre-jour sublimes.
Comme souvent avec Powell, on retrouve également une bonne dose d’inventivité dans la mise en scène, en particulier dans la première partie du film. À l’inverse, le climax ne fait pas dans l’emphase alors même qu’il s’agit pourtant d’une séquence en pleine mer. Au moment le plus critique, la musique s’arrête pour laisser place au seul bruit des éléments, donnant un sentiment de gravité alors que le film était jusqu’à présent dominé par la légèreté.
Moins connu que certains autres films du duo, Je sais où je vais est peut-être moins ambitieux dans son récit mais n’en est pas moins une belle expérience de cinéma à la mise en scène soignée, comme toujours chez Powell et Pressburger.