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KIKI LA PETITE SORCIÈRE

A l’âge de treize ans, une future sorcière doit partir faire son apprentissage dans une ville inconnue durant un an. Une expérience que va vivre la jeune et espiègle Kiki aux côtés de Osono, une gentille boulangère qui lui propose un emploi de livreuse.

Le goût de l’enfance

Parmi les films de Hayao Miyazaki, Kiki la petite sorcière est celui qui prête le plus à sourire. Non qu’il soit mauvais, loin de là ; mais une fois atteint l’âge adulte, difficile de s’y plonger aussi passionnément qu’enfant.

Comme beaucoup de spectateur·rices, je vis l’œuvre avec deux regards différents. L’un, enfantin, à mes dix ans : c’était précisément en 2004, lorsque Kiki sortit pour la première fois dans les salles françaises, quinze ans après celle au Japon. L’autre, adulte, à vingt-quatre ans, lorsque je la revis pour la première fois après de longues années.

L’effet obtenu ne fut ni l’admiration béate devant Princesse Mononoké ou Nausicaä de la vallée du vent, ni la tendre sympathie pour Mon Voisin Totoro ou Ponyo sur la falaise, ni même le dégoût face au Château de Cagliostro. Revoir Kiki m’évoqua davantage les tons pastels et nostalgiques du Château dans le ciel, le précédent film du Maître nippon.

Kiki la petite sorcière demeure, à mes yeux, le plus enfantin des films de Miyazaki, sans qu’il n’y ait une connotation péjorative dans ce terme. « Enfantin » désigne tout simplement ce « qui cible un jeune public ». Car, au-delà du récit d’initiation d’une jeune fille, Kiki peine à toucher d’autres thématiques, à la différence de la fable antimilitariste du Château dans le ciel ou du fonds animiste de Mon Voisin Totoro

Sans doute son caractère gentillet provient-il de sa structure dramatique. Car précisément, il n’y en a pas, ou si peu. Nous sommes habitué·es à trouver notre plaisir dans la succession des péripéties, souvent dangereuses, du personnage principal. Or, n’importe quel être sait que la vie se compose autant, sinon plus, de petits bonheurs quotidiens que de grands malheurs exceptionnels. 

C’est là le coup de force de Miyazaki : faire tenir un film uniquement sur la succession de petits bonheurs et de rares malheurs. Une fois la jeune fille débarquée dans la grande ville portuaire où elle décide d’accomplir sa formation de sorcière, la vie de Kiki consiste à jongler entre les heurs et malheurs du quotidien : comment livrer à temps ses paquets ? comment soutenir la boulangère qui l’héberge pendant sa grossesse ? quelle relation entretenir avec l’ingénieux mais pot-de-colle Tombo ? comment vivre sans son chat Jiji, qui mène désormais une existence indépendante auprès de sa nouvelle compagne féline ?

Autant de difficultés, jamais insurmontables, que Kiki franchit les unes après les autres et qui participent, mieux qu’un quelconque événement dramatique, de sa formation de sorcière et d’adulte. C’est là le caractère enfantin du film, au sens noble du terme : présenter à un jeune public un parcours de vie, qui ne recourt au fantastique que pour mieux mettre en exergue le rite de passage auquel tôt ou tard se confronteront les spectateur·rices. En ce sens, Kiki est un film profondément générationnel : il s’adresse à une tranche d’âge (entre six et douze ans) qui se retrouve pleinement dans l’histoire de l’héroïne éponyme. Passée cette tranche d’âge, difficile de retrouver le processus identificatoire qui donnait à l’œuvre toute sa saveur.

Et pourtant, la revoir charria un ensemble de souvenirs qui me ramenèrent quinze ans en arrière. Dès lors, je ne pouvais que m’émerveiller de l’intelligence du cinéaste, qui seul savait raviver le goût de l’enfance.


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