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KNOCK AT THE CABIN

Alors qu’ils passent leurs vacances dans un chalet isolé en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un choix impossible afin d’éviter l’imminence de l’apocalypse. Alors qu’ils n’ont pratiquement aucun moyen de communication avec le reste du monde, ils vont devoir seuls prendre et assumer leur décision.

Critique du film

Deux ans après Old qui aura divisé une partie de la critique internationale, le réalisateur M. Night Shyamalan est de retour avec un film revenant aux racines de ses premiers longs-métrages. Knock At The Cabin s’articule autour des obsessions du cinéaste indo-américain avec une fluidité déconcertante. Dans ce film se mêlent les dérives sémantiques (les fameux « signes » déjà aperçus de manière indicielle dans Sixième Sens et Incassable puis de façon littérale dans le chef-d’œuvre éponyme Signes), les professions de foi et la frontière de plus en plus abstraite entre la croyance et la réalité.

THE GREEN EFFECT

Chez M. Night Shyamalan, l’invasion du fantastique apparait lorsque l’on « dépasse la plante verte ». Ce végétal pourtant anodin est bien plus qu’un point de détail : il est la menace majeure de Phénomènes comme il est le premier rempart du surnaturel dans Split. Dans ce dernier, Kevin Crumb (James McAvoy) et Casey Cooke (Anya Taylor-Joy), deux personnages dont les tourments sont nombreux et cachés au plus profond de leur être, sont régulièrement filmés derrière des plantes qui les détachent du reste de la population présente dans le champ ou la séquence. Knock At The Cabin emprunte ses deux fondements en les retranscrivant dans une logique qui parait identique.

D’une part, l’environnement est une entité menaçante puisque l’équilibre de la planète tout entière est en péril à cause d’une soi-disant histoire d’apocalypse. Les différentes étapes s’apparentent toutes à des catastrophes naturelles imprévisibles causant la disparition de plusieurs milliers d’êtres humains. De l’autre, la plante verte est aussi une frontière puisque l’introduction du film présente un plan en vue subjective empruntant le regard enfant adoptée, Wen, qui essaie d’attraper des sauterelles dans l’herbe et les mettre dans un bocal. Pour ce faire, elle repousse avec ses mains des fougères et pénètre dans l’antre de ces insectes après ce geste.

Sa rencontre avec Leonard (impeccable Dave Bautista tout en intériorité) se fera de la même manière, puisqu’il balaiera les fougères pour capturer devant Wen une sauterelle, et créer des affinités avec elle. En réalisant ce protocole de manière millimétrée, Leonard fait irruption dans le monde de Wen car il adopte les mêmes codes qu’elle, mais par ce biais insère aussi le surnaturel de la situation en passe d’être expliquée. Encore une fois chez Shyamalan, les éléments naturels catalysent les dilemmes narratifs et embarquent en leur sein des personnages torturés, sans aucune forme de manichéisme, guidés par une foi au demeurant inexplicable qui les poussera vers un destin sordide.

Knock at the Cabin

VISIONS

En outre, l’intégralité du récit se déroulerait donc sur des concepts déjà vus chez Shyamalan : la télévision annonce les événements de fin du monde, la croyance repoussée devient le leitmotiv d’espoir chez les personnages, et une structure en flash-back apporte des indices caractériels qui justifient la sensibilité des actants. Tous ces détails seront vus, analysés et moteurs d’une réflexion des personnages sur la situation d’urgence en cours. En un sens, Knock At The Cabin serait une version 2.0 de Signes, affaiblie par une mécanique narrative déjà très bien rodée, et bien connue d’une grande partie du public, ainsi qu’une une approche hypersensible des personnages bien différente de la froideur de son illustre aîné qui aurait donné un rendu plus cynique et désincarné. Néanmoins, la plus brillante réussite de ce nouveau cru est d’avoir réussi à incarner sans temps faible les enjeux intimes de la famille à ceux macroscopiques d’une apocalypse imminente.

En effet, quand une famille homosexuelle reçoit chez elle quatre individus s’apparentant à des prêcheurs violents, la confrontation entre ces deux « groupes » n’a pas tant lieu sur le plan physique ou intellectuel que sur une approche spirituelle de multiples « visions » ressenties par les personnages. Là où ces énigmatiques pèlerins pensent avoir vu et entendu la fin des temps dans leurs cauchemars, les deux pères de famille Eric et Andrew se remémorent par flash-back des événements de leur début de couple, jusqu’à l’adoption de leur fille Wen qu’ils considèrent eux-mêmes comme « un miracle ». A ce titre, la possible controverse pro-Église que l’on aurait pu craindre passe au second plan, tant tous les signes au demeurant religieux sont détournés et convergent vers une approche plus personnelle et terre-à-terre de la difficulté de fonder une famille homosexuelle avec enfant.

A l’inverse de Signes, les analepses ne sont plus forcément des traumatismes mais une série de temps forts positifs ou négatifs, des « visions du passé » qui enclenchent chez les protagonistes un processus de douleur personnelle difficilement conciliable avec le funeste destin que souhaitent leur réserver leurs invités non désirés. Ce qui en découle devient dès lors un passionnant jeu de temporalités, désigné par une série de frontières disséminées par la mise en scène (le seuil de la porte du chalet où cette famille passe leurs vacances, l’écran bleu de la télévision allumée qui présente les catastrophes censées se dérouler en direct, le grand ciel bleu qui laisse figurer un accident aérien au-dessus du chalet…) et dont le temps présent devient sciemment futile, sans surprise.

Au fond, il pourrait être facile de deviner le dénouement du film et les conséquences arbitraires présentées, mais le climax de Knock At The Cabin a-t-il pour vocation initiale de tendre vers une énième surprise narrative ? Par conséquent, lesdites visions tendent toutes vers un pic émotionnel rarement atteint auparavant par le réalisateur. Dans Signes, Shyamalan semblait réhausser son surmoi pour présenter une famille de l’Amérique profonde basculer dans une possible mécompréhension des événements à cause des médias et de la peur panique qui les rassemble. Ici, il semble désormais instaurer une échappatoire très floue, et adopte presque dans sa conclusion une posture de spectateur fatigué, face à ses personnages désemparés et perdus face à un nouvel horizon chancelant qui les attend, essayant de se rattacher à de nouveaux signes sordides. En résulte un film très poignant, totalement fidèle à toutes les marottes de son auteur, mais qui parvient à les détourner et à surprendre grâce à son final tragique implacable et le sens de la mise en scène du cinéaste toujours au rendez-vous et dans un timing des plus précis.

Bande-annonce

1er février 2023 – De M.Night Shyamalan, avec Jonathan Groff, Ben Aldridge et Dave Bautista.