L’ANNONCE FAITE À MARIE
Au XVème siècle, Violaine, promise à Jacques, met son mariage en péril en embrassant par compassion Pierre, l’ayant autrefois aimé et désormais lépreux. Mara, sa sœur jalouse, les voit et convainc Jacques qu’il a été trompé, tandis que Violaine, infectée par la maladie, est conduite à une léproserie. Plusieurs années plus tard, Mara qui a épousé Jacques vient voir sa sœur avec son nourrisson mort-né et supplie Violaine de le ressusciter…
Critique du film
Difficile de définir le théâtre de Paul Claudel à ceux qui ne le connaissent pas. D’une grande force, par la richesse d’un texte à la beauté inouïe, très axée sur le jeu des comédiens et la façon de déclamer, cette œuvre comporte même des décennies plus tard une intensité rare et distille un indicible mystère. Mystère, c’est d’ailleurs sous cette appellation qu’un genre théâtral, au Moyen Âge, fit son apparition, traitant de thèmes religieux. La pièce L’Annonce faite à Marie, dont la première version fut écrite en 1912 et la seconde en 1948, appartient selon son auteur à ce style, des siècles après son apogée au XVIe siècle.
L’histoire ici prend place au XVe siècle et met en scène une histoire où se mêlent rivalité amoureuse entre deux sœurs et surnaturel. Alain Cuny, en 1991, s’est emparé de cette œuvre maintes fois jouée pour en faire un film, son unique réalisation, qui ne manquera pas d’étonner ceux qui croyaient connaître cet acteur exigeant. Ce comédien au jeu parfois austère commença au théâtre avec Jean Vilar et passa au cinéma, sa filmographie couvrant des œuvres aussi diverses que des films réalisés par Jean Grémillon, Francesco Rosi, Marco Ferreri, Just Jaeckin ou Jean-Luc Godard. Coïncidence ou non, il interpréta également le père de Paul et Camille Claudel, dans le film de Bruno Nuytten, consacré à la célèbre artiste.
A mille lieues de toute mise en image artificiellement plaquée, s’éloignant d’un théâtre filmé qu’on aurait pu craindre, venant d’un artiste respectueux d’une œuvre aussi imposante, ce film constitue une véritable adaptation. Et un véritable morceau de cinéma, presque expérimental. Par ses images d’une formidable beauté plastique, par ses choix musicaux et l’utilisation d’une bande son presque étonnante de la part d’un homme de cette génération, qui avait alors quatre vingt deux ans et allait décéder trois ans plus tard. Avec des couleurs magnifiées par une photographie très soignée, des cadrages qui évoquent des tableaux, une interprétation à la fois sobre et intense – hormis Alain Cuny, il ne s’agit que d’actrices et acteurs non professionnels – L’Annonce faite à Marie appartient à n’en pas douter aux très grandes et rares œuvres filmées à la fois respectueuses de l’œuvre d’origine et créations cinématographiques singulières.
