L’ARMÉE DES 12 SINGES
Critique du film
Film culte des années 90, L’Armée des 12 singes ressort dans une version restaurée 4K que Terry Gillian lui-même est venu présenter en avant-première française au Festival Lumière. L’occasion de redécouvrir le film sur grand écran et de voir s’il a résisté au temps.
Quand on regarde L’Armée des 12 singes aujourd’hui, il n’est pas très difficile de retrouver sa décennie de sortie. Visuellement, le film porte bien l’empreinte de son époque, avec un héritage des années 80 (il fait énormément penser à Brazil pourtant de dix ans son ainé) et sa photographie assez terne plutôt répandue dans les années 90 (mais qui convient bien au climat du film). Le casting lui aussi est un must de l’époque avec Bruce Willis, alors un des leaders du box-office, Brad Pitt, qui vient de sortir Entretien avec un vampire et Seven, et Madeleine Stowe, qui s’illustrera surtout dans cette décennie avant de disparaitre des écrans au début des années 2000. Un film qui restera d’ailleurs marquant dans la carrière de chacun. Bruce Willis y exprime une fragilité loin de son rôle de John McLane, Brad Pitt casse son image et décroche son premier Golden Globe et sa première nomination aux Oscar, tandis que Madeleine Stowe impose un premier rôle féminin fort, loin d’un simple faire valoir du héros.
L’Armée des 12 singes est clairement un film de studio pensé pour cartonner auprès du grand public, mais produit de manière intelligente, comme c’était souvent le cas à l’époque. Si on fait appelle à un cinéaste-auteur comme Terry Gilliam, c’est pour que celui-ci s’exprime. Ainsi, s’il est indéniable que le réalisateur a du respecter un cadre, il a réussi à négocier le final cut et sa patte est clairement présente, en particulier dans les séquences de l’asile ou dans la partie futuriste (au point de faire dans celle-ci un peu dans la surenchère inutile).
Sur le font, le film étonne plutôt positivement aujourd’hui, semblant encore plus d’actualité qu’à sa sortie. En reprenant la trame d’un court métrage qui avait déjà plus de 30 ans en 1995 (La Jetée de Chris Marker), le film avait de bonnes chances d’avoir un propos qui résiste au temps. S’il n’a pas la même poésie mélancolique que son aîné, L’Armée des 12 singes en conserve l’idée principale, celle d’une espèce humaine réduite au quasi néant qui envoie des hommes dans le passé pour tenter de se sauver. Le film substitue le cataclysme nucléaire d’une troisième guerre mondiale de La Jetée, par un virus volontairement propagé par l’Homme et qui l’a fait disparaitre de la surface de la Terre pour la rendre aux animaux.
À l’heure de la crise climatique, cette autodestruction résonne plus que jamais, d’autant plus que la mécanique infernale du film, avec ses voyages à travers le temps et ses multiples échecs, semble rendre inéluctable la fin de l’humanité. L’intérêt du film réside aussi dans la façon qu’il a de mettre en parallèle la dystopie du monde futuriste (thème déjà abordé par Gilliam dans Brazil) et le moment juste avant que le monde bascule, où personne ne voit et ne veut croire à ce point de rupture proche. Tout comme La Jetée, L’Armée des 12 singes finit progressivement par déplacer le cœur de son intrigue, en mettant petit à petit moins en avant la sauvegarde de l’humanité pour mettre de plus en plus au premier plan la quête personnelle de son héros qui, au fur et à mesure qu’il renoue avec le souvenir de son passé, redécouvre une humanité qui lui avait été retirée.
Au milieu du pessimisme très marqué du film, la boucle temporelle créée par le personnage principal ouvre cependant une voie de sortie vers l’espoir d’un éternel recommencement. L’ambiguïté de la scène finale, quant à elle, pouvant ouvrir à plusieurs interprétations et laissant à la discrétion de chaque spectateur de choisir ce qu’il advient finalement de l’humanité, semble vouloir mettre chacun face à ses propres responsabilités et ce qu’il souhaite en faire.