L’ÉCOLE DU BOUT DU MONDE
Critique du film
Il y a quelques semaines, le Bhoutan décrochait une première nomination historique aux Oscars grâce à L’école du bout du monde, cité dans la catégorie du meilleur film international. Cette mise en lumière extraordinaire offre l’occasion de découvrir une contrée méconnue et pourtant reconnue pour être un territoire où il fait bon vivre : dans le classement des pays où les habitants seraient le plus heureux, – celui-ci, en bordure d’Himalaya demeure en tête depuis plusieurs années.
L’école du bout du monde se tient dans le village isolé de Lunana, situé à plus de 3000 mètres d’altitude et ne comptant pas plus d’une cinquantaine d’âmes. D’abord assez réfractaire suite à cette mutation qui l’éloigne des zones urbaines, le jeune enseignant au coeur du film se prend finalement d’affection pour ses habitants, touché par la convivialité et la générosité dont ils font preuve envers lui. Pourtant, il y manque de tout : aucun tableau pour dispenser ses leçons et partager des notions à l’écrit collectivement, une seule grande table autour de laquelle se réunissent les élèves, un matériel scolaire réduit à peau de chagrin, et une étable comme salle de classe – parfois même fréquentée par un yak. Il doit ainsi rivaliser d’inventivité pour dispenser les savoirs élémentaires à son comité réduit (mais motivé) d’élèves. Ces derniers se montrent particulièrement reconnaissants d’avoir un enseignant, et c’est une ambiance de classe studieuse – mais parfois cocasse – qui règne dans ce lieu unique.
Contrairement aux pays occidentaux, où le statut des professeurs est sans cesse dégradé et médiatiquement attaqué, le Bhoutan fait de l’enseignement l’une des plus nobles vocations, avec la médecine. Dans ce pays qui privilégie le bien-être de sa population plutôt que sa croissance économique, la poursuite de ses rêves et de perspectives plus alléchantes apparaît comme l’illustration du changement en cours dans ce pays forcément impacté par la mondialisation. Cette rencontre avec les villageois et les jeunes élèves de Lunana fait naître en lui un changement philosophique – mais cette métamorphose existentielle sera-t-elle suivie d’effet ?
Empreint de spiritualité et de belles valeurs comme le respect de la nature, L’école du bout du monde raconte en creux les conflits sociétaux du Bhoutan à travers son récit universel débordant d’humanité, qui ne manque pas de questionner chacun.e autour de notre place dans le monde et des chemins pour parvenir au bonheur. Sublimé par ses prises de vues sur les vastes sommets sauvages et enneigés, ce parcours d’un enseignant contraint de mettre (temporairement) en sourdine ses aspirations de chanteur résonne en reflet de notre époque individualiste.
Intrigant, si beau dans son épure, le film de Pawo Choyning Dorji devient irrésistiblement poignant dans son dernier segment pour marquer durablement. Cette superbe ode à la solidarité et au partage enchante par son invitation à retrouver le plaisir des choses simples.
Bande-annonce
11 mai 2022 – De Pawo Choyning Dorji, avec Sherab Dorji, Ugyen Norbu Lhendup, Kelden Lhamo Gurung