L’ÉTÉ DERNIER
Une avocate renommée met en péril sa carrière et menace de briser sa famille en ayant une liaison avec son beau-fils de 17 ans.
CRITIQUE DU FILM
L’été dernier intervient dix ans après le dernier film de Catherine Breillat, Abus de faiblesse, film très autobiographique qui narrait sa relation avec un arnaqueur professionnel inspiré du fameux Christophe Rocancourt, interprété par Kool Shen. Toujours à l’aise dans des sujet sulfureux, la réalisatrice revient sur le devant de la scène, et en compétition à Cannes, avec un remake d’un film danois de May El-Toukhy, Queen of hearts. Léa Drucker joue le premier rôle, celui d’Anne, avocate pour enfants très impliquée dans son travail, avec une volonté de suivi de ses affaires qui l’amènent à visiter les familles pour s’assurer du devenir de ses clients. Mais il est moins question de sa vie professionnelle que de son foyer, qu’elle partage avec Pierre, un industriel aisé, et leurs deux filles adoptées, le couple ne pouvant avoir d’enfants naturels.
Cette situation initiale est le socle du film et aussi l’origine du trouble qui va naître avec l’irruption du personnage de Théo, fils issu d’un premier mariage de Pierre. Adolescent turbulent de 17 ans, il déboule dans la vie du couple avec fracas, après des frasques vécues à Genève, ville où il résidait avec sa mère. Agressif, insultant et réticent à tout compromis pour s’intégrer à son nouveau foyer, le jeune homme est dans un cycle d’auto-destruction qui crée un tourbillon qui emporte son père, complètement dépassé par l’attitude de ce fils qu’il connaît à peine et qui le rejette de toutes ses forces. Les prémices du film évacuent presque totalement Anne, qui ne va nouer une relation avec Théo que lorsqu’elle prend conscience qu’il a orchestré le cambriolage de leur cossue demeure francilienne, et qu’elle ne peut faire autrement que parler avec lui pour régler cette situation épineuse.
L’expérience du personnage d’Anne dans la gestion d’adolescents problématiques ressurgit, elle fait un échange de bons procédés avec lui, pour tout de suite après se dissoudre. C’est une des premières surprises du film : la professionnelle des affaires familiales fait l’inverse de tout ce qu’elle préconise à ses clients. En quelques secondes, on retrouve cette femme d’une quarantaine d’années flirtant avec son beau-fils, qui se muent en un clignement d’oeil en ébats sexuels passionnés assez romanesques. Cette plongée dans une relation incestueuse, ce que rappelle le film avec l’article L.222-22-3 du Code pénal qualifiant juridiquement d’inceste tout viol ou agression sexuelle d’un époux sur parent du premier degré, est menée sans aucune transition crédible, Anne étant présentée comme une femme qui revit son premier amour sans en nourrir de culpabilité visible, prise « la main dans le sac » par sa sœur.
Il y a quelque chose de particulièrement malaisant à voir une femme présentée comme un monstre de manipulation. Pour se sauver, elle se joue de son mari et feint l’outrage, niant en bloc avec une audace qui plonge le père et le fils dans une dépression d’une grande noirceur. Si l’on doit reconnaître au film une qualité hors du commun dans ses cadres et dans la composition de ses plans, c’est au service d’un regard et d’un point de vue extrêmement dérangeant qui culmine lors d’une nouvelle scène d’amour entre Anne et Théo sur le pas de leur porte, qui, si elle est magnifiquement orchestrée, ne raconte absolument rien de pertinent sur ce sujet si délicat qu’est l’inceste dans une famille recomposée. Pour ne rien arranger, la pauvreté confondante de beaucoup de dialogues voit cet adolescent s’exprimer comme un homme d’une autre génération, renforçant l’aspect factice du film.
Quel est l’intérêt de voir cette famille bourgeoise s’auto-détruire pour des motifs sibyllins au gré de scènes où l’on peine à comprendre le sens – comme cette entrevue chez un avocat où un accord est trouvé pour ne pas aller en justice sans qu’on comprenne à qui profite cet arrangement ? Il faut malgré tout noter la performance magnifique d’Olivier Rabourdin, qui déambule dans le film avec une mélancolie et une incrédulité particulièrement convaincantes. On ne peut malheureusement pas en dire autant de l’ensemble de cette histoire éreintante et immorale.