L’ÉTÉ NUCLÉAIRE
Quand survient un accident à la centrale nucléaire voisine, Victor se retrouve confiné dans une ferme avec ses anciens copains du village. L’orage menaçant, ils guettent le passage du nuage radioactif alors qu’ils auraient dû évacuer la zone. En 24 heures, ils vont perdre toutes leurs certitudes.
Critique du film
Sujet particulièrement clivant en société comme en politique (les programmes présidentiels récents en attestent), le nucléaire civil – et l’hypothèse d’un accident grave – est pourtant rarement l’objet d’un film français, l’exemple le plus connu étant probablement Malevil de Christian de Chalonge, sorti en 1981. Pour le réalisateur Gaël Lépingle, la genèse de son film se trouve dans ses jeunes années, ayant grandi non loin de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux près d’Orléans, où un accident nucléaire s’était produit en 1980. Le cinéaste s’est questionné dès sa jeunesse sur les aléas de l’atome au service de l’homme, et de la méfiance envers les autorités publiques en cas d’accident, vestige de la gestion de la catastrophe de Tchernobyl. Ainsi est né L’été nucléaire.
Course contre la montre
Dès les premières secondes du film, L’été nucléaire fait le choix de plonger le spectateur – et les protagonistes – dans un climat d’angoisse réussi. Alors que la caméra suit Victor lors d’un banal footing dans les champs près d’une centrale nucléaire, une puissante alarme retentit longuement, alertant d’un danger provenant de cette centrale. Très vite, il retrouve ses amis et la décision est prise de se mettre à l’abri dans une maison, en attendant les consignes du gouvernement. A partir de cet instant, leur vie d’avant se fige : n’ayant pas pu se faire évacuer de la zone, la caméra suit l’incompréhension des premiers instants qui fait place à une longue attente. Malheureusement, on regrettera que la tension du film se dissipe assez rapidement, perdant un peu le spectateur en chemin.
Du côté des protagonistes, Gaël Lépingle filme une bande de jeunes adultes aux vies opposées. Bien que certains traits de caractère et situations soient parfois caricaturaux, il ressort de l’écriture du film une étonnante solidarité dans le groupe. Ne sachant pas s’il peut compter sur les autorités publiques durant cette attente, ce dernier décide de s’entraider dans un calme relatif, prisonnier de la maison et de l’environnement environnant. On y découvre leur impréparation face à la supposée menace, et les esprits qui s’échauffent quant à la stratégie à suivre.
Danger invisible
Surtout, L’été nucléaire questionne les croyances et la confiance de chacun envers les autorités publiques et l’environnement qui nous entoure. En ce sens, le film frôle le cinéma fantastique : comment croire à une menace lorsqu’on ne peut pas la voir ? Comment croire que le danger existe si l’ensemble du groupe se porte bien ? Les autorités publiques minimiseraient-elles la situation ou seraient-elles au contraire trop alarmistes ? Le film vise juste sur ces questionnements, en omettant volontairement de les trancher.
L’été nucléaire retranscrit donc, notamment à l’aide du format 35 mm, l’angoisse de territoires vides de toute population où tout a basculé en un instant. Il met aussi en exergue les jours sans lendemains certains d’un groupe de jeunes dépossédés de tout contrôle sur leur destin. Sans être un tour de force, le film a le mérite de traiter d’un sujet encore trop peu exploité sur les écrans français.
Bande-annonce
11 mai 2022 – De Gaël Lépingle, avec Shaïn Boumedine, Carmen Kassovitz et Théo Augier.