L’ÉTREINTE
Margaux a perdu son mari et commence une nouvelle vie. Elle s’installe chez sa sœur et s’inscrit à l’université pour reprendre des études de littérature. Mais rapidement, elle ressent le besoin d’autres émotions. Elle part en quête d’amour, au risque de s’y perdre…
CRITIQUE DU FILM
« Lorsque l’on perd quelqu’un, être privé de l’étreinte est l’une des choses les plus cruelles qui soit » explique Ludovic Bergery, interrogé sur le choix du titre de son premier-long métrage. Présenté en compétition 2020 du Festival du Film francophone d’Angoulême, s’offrant pour le porter le retour d’Emmanuelle Béart au cinéma, ce portrait de femme raconté entre deuil surmonté et désir retrouvé avait de quoi intriguer.
Imaginé comme un moment charnière d’introspection après une vie passée aux côtés d’un homme dont on devine l’omniprésence plus ou moins saine, le film s’ouvre sur les derniers instants d’un trajet de train totalement silencieux, où le paysage urbain se dessine petit à petit pour en laisser émerger une silhouette emmitouflée jusqu’au cou. Cette silhouette, c’est celle de Margaux qui, après la mort de son mari, se rapproche de ses racines en s’installant chez sa demi-sœur et en commençant un cursus d’allemand – son père étant originaire de Berlin. Malgré sa réserve, elle va très vite être intégrée par un groupe d’étudiants, et nouer un début d’amitié avec l’un d’entre eux, Aurélien. C’est la bienveillance profonde de ce jeune homme sous des allures parfois cyniques qui lui permettra progressivement de se confier sur ses craintes et ses envies.
Investie, indéniablement touchante et forte d’une palette de jeu à la mesure de son talent, Emmanuelle Béart peut compter sur la présence remarquable de Vincent Dedienne en confident improvisé pour former ce tandem quelque peu atypique, où les visions de la vie se complètent sans tomber dans la facilité. Et c’est à se demander si L’Etreinte dont il est question n’est pas d’avantage celle qui embrasse ces deux personnages, tant leurs échanges donnent de la chaleur à un récit qui, sous couvert de confronter Margaux à des réalités particulièrement brutales, s’enchaine en situations archétypales – pour ne pas dire péniblement caricaturales.
« FEMME DES ANNEES 2021 » ?
« Dans cette quête de soi et du désir, elle va se cogner, se tromper, se faire mal. » Et c’est peu de le dire ! Il n’est pas impossible que la subtilité de jeu d’Emmanuelle Béart se retrouve exacerbée face aux multiples péripéties que traverse son personnage.
Décidé à montrer comment, après la perte d’un être cher et confronté à un environnement qui nous bouscule, il nous viendrait l’envie d’une « seconde vie », Ludovic Bergery choisi d’observer ces moments parenthèse par le prisme du désir retrouvé ou renouvelé. Pour Margaux, ce désir se trouve désagréablement déclenché alors qu’au cours d’une nuit de fête clandestine avec ses nouveaux camarades, elle observe quasi tapie dans l’ombre leurs ébats décomplexés. Le contraste entre ces jeunes corps filmés en intégralité sous une lumière douceâtre, presque magnifiante, et celui plus « mûr » de Margaux à contrario suggéré et presque toujours caché par ceux de ses partenaires bien plus révélés, interroge sur la vision du réalisateur, dont l’intention était sans doute de nous montrer le charnel comme merveilleuse force viscérale, et ce peu importe les déconvenues sentimentales essuyées…
Tantôt rejetée par son professeur de littérature qui la trouve trop gauche et « adolescente » au moment de passer à l’acte, puis tout bonnement utilisée par un amant « enfin » trouvé au détour de sites de rencontres, Margaux erre d’une désillusion à l’autre jusqu’à friser la perdition – pour être finalement ramenée à elle-même grâce à Aurélien qui se révèle alors comme le seul personnage masculin qui ne s’avère pas être une cruelle déception.
Avec un titre aussi réconfortant que L’Etreinte, et un couple d’acteurs principaux de qualité, on pouvait légitimement s’attendre à quelque chose de moins étouffant.
Bande-annonce
19 mai 2021 – Avec Emmanuelle Béart, Vincent Dedienne