L’INNOCENT
Critique du film
Un braquage se prépare. Michel (Roschdy Zem) briefe son complice, hors-champ. Le ton est grave, inquiétant. Mais la scène n’est en fait qu’une répétition de la pièce de théâtre que lui et ses co-détenus préparent en prison. Subjuguée par le quinquagénaire charismatique, Sylvie s’éprend de Michel et décide rapidement de l’épouser, avant même sa remise en liberté conditionnée. Tout le monde se réjouit, sauf Abel qui ne voit pas forcément d’un bon oeil cette troisième union en dix ans, sa mère semblant devenir une spécialiste des mariages pénitenciers.
Endeuillé par la disparition tragique de son épouse dans un accident de voiture, Abel n’a pas le coeur à la fête et reste sur ses gardes, redoublant de vigilance lorsque, à la sortie de Michel, elle décide d’ouvrir une boutique de fleurs avec son nouvel époux. Méfiant et trop habitué aux erreurs de jugement de sa mère, Abel va même jusqu’à prendre le repris de justice en filature. Bien vite, il découvre que Michel est redevable d’un voyou pour qui il doit braquer le chargement de caviar d’un poids lourd. Afin de sauver la boutique de sa mère, et d’éviter des représailles, Abel et Michel se retrouvent ainsi partenaires de crime. Voler des marchandises sur un parking de restaurant routier, quoi de bien compliqué là-dedans ?
Après le moins convaincant L’homme fidèle et le distrayant La croisade, la nouvelle réalisation de Louis Garrel s’inscrit dans la pure tradition des comédies françaises dont l’enjeu principal est de susciter le rire, ce que L’innocent réussit totalement. Mais le fils de Philippe, bien aidé par un casting en pleine forme, livre une production empreinte de modestie où le savoir-faire et l’élégance un brin vintage lui permettent de s’élever au-delà de la simple farce en quête du bon mot.
En dosant habilement l’équilibre entre le suspense, la comédie farfelue et la tendresse, L’innocent maintient le spectateur en alerte alors que le film avance tel un funambule sur une fine corde tendue, toujours à la limite du ridicule. Heureusement, Louis Garrel manie assez bien l’art du romantisme et du burlesque, s’offrant au passage un rôle de loser magnifique aussi hilarant que poignant. Loin des poussifs atermoiements bourgeois auxquels la famille Garrel nous a trop souvent habitués, L’innocent se révèle être un film plein d’esprit, savamment construit, qui s’amuse malicieusement de la frontière entre le mensonge et la comédie, tout en conservant sa tonalité ludique et réconfortante.
Bande-annonce
12 octobre 2022 – De Louis Garrel, avec Roschdy Zem, Anouk Grinberg, Noémie Merlant