LA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS
La ballade de Buster Scruggs est un western d’anthologie en six volets mettant en scène les légendes du Far West. Chaque chapitre est consacré à une histoire différente de l’Ouest américain.
On connaît la chanson.
Au delà de tout, ou peut être tout mis à part, un film des frères Coen se distingue par un chaud-froid systématique : celui de s’attendre à ce style si particulier, d’être quand même désarçonné, et de normaliser l’inhabituel à la vitesse de la création d’un compte Netflix. C’est donc sur la plateforme américaine que les réalisateurs proposent leur dernier né, La Ballade de Buster Scruggs. Le tout est porté par un casting conséquent dans lequel tout le monde y trouvera son compte : Liam Neeson, Zoe Kazan, Brendan Gleeson, Tim Blake Nelson, Stephen Root, Harry Melling…
Ici, les Coen naviguent chapitre après chapitre dans le grand livre du Vieux Ouest Américain, relié par le lot attendu des imaginaires communs. Voici ce qu’on peut considérer une annexe thématique, structurelle et narrative de Hail Caesar : votre jugement par rapport à ce dernier définira sans aucun doute, à l’identique, celui sur Buster Scruggs. Les segments sont inégaux, c’est une évidence. Quand on peine à saisir les contes les plus étranges, comme ce père et son fils conteur de récits engoncés qui n’ont rien à faire dans la laideur du froid de ces terres, certains brillent par leur simplicité et leur évidence d’être traités par les Coen, à l’image de ce chercheur d’or (bluffant Laurent Paganelli grimé en Tom Waits) si aveuglé par sa quête qu’il en oublie qu’il foule déjà les jardins d’Eden. On les aurait consommé comme une mini-série qu’on y aurait vu que du feu, d’ailleurs, comme on porte aux nues certaines épisodes de série d’anthologie en enterrant ceux superflus. À chacun de faire son petit classement personnel, ou de mettre tous les œufs dans le même panier.
Libérés de la contrainte de la sortie en bonne et due forme, les Coen se permettent une tripotée de visuels plus « kitsch » les uns que les autres : effets cartoonesques, paysages de bric et de broc, montage expédié, James Franco… Ils savent aussi que Netflix est le lieu d’expérimentation de leur cinéma de l’étirement absurde, ici à double tranchant : face à la propension des cinéastes à jouer avec l’inaction jusqu’au flirt de l’agacement, le réflexe peut être de cliquer sur une autre vignette comme de mieux tolérer ces moments d’ennui-roi, au chaud sous le plaid de son canapé. La Ballade de Buster Scruggs n’est certainement pas un Coen majeur. Tout au plus une facétie, pas déplaisante mais avec toute la limite du terme, rendue possible par la bonne appel d’offres, au bon moment. À prendre comme tel sans jouer au petit malin : dans le domaine, Joël et Ethan vous battront à coup sûr.
La ficheLA BALLADE DE BUSTER SCRUGGS
Réalisé par Joel Coen et Ethan Coen
Avec Tim Blake Nelson, James Franco, Liam Neeson…
Etats-Unis – Western
Sortie (Netflix) : 16 novembre 2018
Durée : 133 min