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LA FEMME DU BOULANGER

Quand le boulanger du village refuse de faire du pain parce que sa femme volage est partie avec un beau berger…

Critique du film

Avec La Femme du boulanger, réalisé en 1938, après Le Schpountz et avant La Fille du puisatier, Marcel Pagnol adaptait un texte de Jean Giono, en modifiant certains éléments de l’œuvre originale. Dès le début du film, on évoque les vieilles rancunes tenaces entre villageois dont on ne connaît plus les origines, les frictions entre les instituteurs de l’époque et le clergé et on fait connaissance avec le nouveau boulanger – Raimu – si fier de la beauté de sa femme et qui vient remplacer un prédécesseur qui a mis fin à ses jours. Les villageois ayant connu de grandes difficultés pour se procurer du pain, l’arrivée au sein même du village d’un nouveau boulanger apporte joie et attente. Cet homme, prénommé Aimable, fait donc connaissance avec une partie des habitants, dont le marquis et maire du village – joué par Fernand Charpin – un homme à la réputation de jouisseur qui vit avec plusieurs femmes sous son toit et qui, recevant beaucoup, aura besoin de grandes quantités de pain pour lesquelles il enverra un de ses bergers quotidiennement.

Dès la première visite du berger, une attraction très forte naît entre la femme du boulanger, Aurélie – Ginette Leclerc – et le berger piémontais, Dominique – Charles Moulin -, rencontre qui donne lieu à une scène d‘une grande sensualité, à la fois charnelle, pleine d’innocence et de fièvre. Lorsque Aurélie s’enfuit avec Dominique, Aimable se retrouve désemparé et cesse de préparer du pain, tout accablé de douleur et de tristesse. Le village se mobilise alors pour retrouver la jeune femme, même si les motivations ne sont pas forcément identiques chez tous les habitants. On trouve chez certains de l’empathie pour Aimable, mais aussi des sentiments hostiles envers Aurélie ou plus prosaïquement, la peur de se retrouver à nouveau sans pain. 

La femme du boulanger

Mari trompé, Aimable se réfugie beaucoup dans le déni au départ. Les bigotes s’en donnent à cœur joie pour juger la « pêcheresse » et certains hommes se jouent du cocu avec malice, voire cruauté. Comme souvent chez Marcel Pagnol, on a ici une histoire universelle, au-delà du folklore apparent, des accents chantants et des villages de Provence, tous ces éléments auxquels on ne peut réduire l’attrait de cette œuvre immortelle. Cette histoire, narrée sur près de deux heures et quinze minutes qui filent sans qu’on s’ennuie un instant, possède une vérité psychologique, une profondeur dans la description de l’âme humaine que l’auteur mettait au service d’histoires touchantes mais comportant aussi une part de noirceur.  

On trouve également beaucoup d’humour, de traits d’esprit réjouissants. La scène du récit de Maillefer – Edouard Delmont, hilarant – s’avère particulièrement drôle, tout comme les joutes entre le curé et l’instituteur ou l’entêtement d’Aimable à se voiler la face dans une partie de l’intrigue. L’interprétation de Raimu, à la fois flamboyante et émouvante constitue un pilier essentiel de cette œuvre, mais les autres interprètes ne sont pas en reste, qu’il s’agisse de ceux déjà cités ou de Marcel Maupi, Robert Blassac ou Robert Vattier. Les commérages vont bon train dans cette histoire qui déploie toute la palette des bons et mauvais côtés de la nature humaine quand le malheur tombe sur un semblable : solidarité, entraide, mais aussi quolibets et blagues de mauvais goût. 

Comédie et drame – même si l’aspect humoristique l’emporte le plus souvent – La Femme du boulanger compte parmi les très belles réussites de Marcel Pagnol qui permit à Raimu de tenir un de ses rôles les plus célèbres, tout empreint d’humanité et de sensibilité. 


DÉCOUVREZ CHAQUE DIMANCHE UN CLASSIQUE DU CINÉMA DANS JOUR DE CULTE

À revoir en salle depuis le 24 juillet, tout comme neuf autres œuvres réalisées et ou écrites par Marcel Pagnol distribuées par Carlotta Films, dans des versions restaurées par Hiventy grâce à Nicolas Pagnol, la Compagnie Méditerranéenne de Films, MK2 Films et avec le soutien du CNC.