LA FLEUR DE BURITI
À travers ses yeux d’enfant, Patpro va parcourir trois époques de l’histoire de son peuple indigène, au cœur de la forêt brésilienne. Inlassablement persécutés, mais guidés par leurs rites ancestraux, leur amour de la nature et leur combat pour préserver leur liberté, les Krahô n’ont de cesse d’inventer de nouvelles formes de résistance…
Critique du film
« On participe à ce rassemblement, et je n’arrive pas à rêver. » À Brasilia, au cours d’une manifestation pour dénoncer les génocides des autochtones, une jeune femme perd espoir. Son peuple sera-t-il un jour estimé comme le reste de la population ? Entre fiction et documentaire, La fleur de Buriti nous invite dans l’intimité des Krahô, peuple indigène brésilien dont l’avenir est quotidiennement questionné. Patpro, vieil indigène et narrateur du film, s’étonne du regard que le reste du monde porte son peuple, qui a pourtant tout autant le droit d’exister que n’importe lequel des peuples ayant totalement accepté la modernisation de notre monde. Dans leur métrage, João Salaviza et Renée Nader Messora épousent totalement le mode de vie des autochtones pour nous plonger dans l’enfer de leur réalité.
La voix de Patpro est presque hypnotique et trompe la temporalité. Pourquoi s’attarder à expliciter l’époque représentée à l’écran ? De toute façon, le constat est le même tout le temps : les Krahô ne sont pas les bienvenus au Brésil et constamment menacés d’être exterminés. Alors pourquoi s’attarder à expliciter l’époque représentée à l’écran ? Interprétant leurs propres rôles dans une œuvre jonglant constamment entre réalité et fiction, les acteurs frappent par leur tendresse et authenticité, ajoutant à La Fleur de Buriti une fibre profondément vibrante.
En ouvrant leur long-métrage sur un enfant prête à décocher une flèche sur la caméra, les cinéastes de La Fleur de Buriti annoncent la violence à laquelle le peuple Krahô doit se confronter. Dans une scène de flashback glaciale, Patpro raconte le massacre subi par son village, alors que les fermiers voisins souhaitent obtenir les terres des indigènes pour les exploiter. De cette horreur commence une longue lutte vers l’acceptation. Les Krahô sont forcés d’abandonner certaines de leurs coutumes et, d’eux aussi, se moderniser pour exister. Téléphones pour communiquer entre les tribus, rassemblements dans la capitale, participation à des documentaires : les indigènes redoublent d’effort et luttent pour leur survie dans un monde qui ne leur portent aucune considération.
Le numérique avant la vie. En 2023, l’hégémonie des réseaux sociaux et d’internet est arrivée jusque dans les terres les plus reculées de notre planète. Cet article ne serait pas lisible sans cela. Mais La Fleur de Buriti, à travers son récit, nous ramène à notre condition humaine et expose la futilité de la modernité. Dans le regard des Krahô réside cependant un dernier espoir : celui d’un monde enfin capable accepter les différences de chacun et de laisser les peuples indigènes perpétuer leur héritage sans risque de voir leurs lieux de vie transformés en énièmes exploitations agricoles.