LA LÉGENDE DE L’AIGLE CHASSEUR DE HÉROS
Il était une fois une reine d’Orient, aussi belle que machiavélique, qui, avec l’aide de son amant (et cousin incestueux), Ouyang Feng, usurpa le trône censé revenir à la jeune et fougueuse « Troisième Princesse ». Afin de se venger de sa marâtre et de reconquérir son royaume, celle-ci va devoir partir en quête du mythique livre du Yin, seul capable de lui enseigner un kung-fu ésotérique d’une puissance inégalée. Cet ouvrage étant caché dans une grotte gardée par trois monstres, la princesse recevra l’aide de Huang Yaoshi, jeune combattant romantique et facétieux qui lui servira de guide…
Critique du film
Alors que Wong Kar-wai se consacrait à Les Cendres du temps en 1994, le tournage du film fut mis en péril. Pour se sortir de cette impasse, le cinéaste se décida à produire en vingt-sept jours un film parallèle, qui pourrait lui permettre de renflouer ses finances et d’aller au terme de son projet. Ainsi, pour sauver Les Cendres du temps, adaptation du roman de Louis Cha, La Légende du héros chasseur d’aigles, Jeff Lau réalisa un film nommé La Légende de l’aigle chasseur de héros, reflet déformé et totalement parodique du projet initial en souffrance.
Réunissant un incroyable casting cinq étoiles de stars du cinéma de Hong Kong, notamment Leslie Cheung, Brigitte Lin, Maggie Cheung, Tony Leung Chiu Wai ou Tony Leung Ka Fai, la version humoristique de l’adaptation de Louis Cha s’apparente à un étonnant et détonnant « Mo lei tau », à savoir un genre de comédie où abondent le non-sens, le burlesque et les anachronismes, les absurdités… Un style de film qui n’hésite pas à bousculer l’ordre établi, les conventions et à remettre en cause les codes habituels du cinéma hongkongais. On trouve ainsi beaucoup d’autodérision de la part des interprètes qui se moquent d’eux-mêmes et de genres de film très prisés dans leur pays. Les acteurs semblent beaucoup s‘amuser et n’ont pas peur du ridicule, dont ils usent avec talent et humilité, totalement au service de l’histoire et du plaisir du spectateur.
Le film constitue un patchwork unique, singulier et éclatant de film fantastique, film de sabre, épopée spirituelle et ésotérique. Mais la virtuosité technique est aussi de mise. On a ici un long-métrage très drôle, très rythmé et coloré. Les dialogues provoquent des fous rires, les péripéties absurdes abondent et l’histoire est constamment parcourue par un humour farfelu et iconoclaste. On trouve des combats incroyables, magnifiés par la mise en scène et des effets spéciaux particulièrement réussis. Le coordinateur action n’est autre que Sammo Hung, célèbre artiste et chorégraphe, qui contribue avec brio à la réussite artistique de cette épopée comique parfois irrévérencieuse, mais pas seulement car parodie et hommage se mêlent pour le meilleur dans ce film très coloré, qui offre une vision hilarante et époustouflante des films d’arts martiaux à tendance spirituelle. On trouve dans ce récit de la magie, des sorcières et des monstres, des personnages drolatiques, des ruses et des formes de Kung-fu plus incongrues les unes que les autres.
On se demande bien comment ce joyau d’humour, de gaieté et d’énergie, réalisé il y a une trentaine d’années, a pu rester inédit en France jusqu’à aujourd’hui. La Légende de l’aigle chasseur de héros peut enfin être découvert en salle, depuis le 14 août, dans une superbe version restaurée 2K, distribuée par Carlotta Films.
14 août 2024 – De Jeff Lau, avec Leslie Cheung, Maggie Cheung
