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LA MORT DE DANTE LAZARESCU

Monsieur Lazarescu, 63 ans, vit dans un appartement avec ses trois chats. Un samedi soir, ce dernier ne se sent pas bien. Jusqu’à l’arrivée de l’ambulance, il essaye d’apaiser son mal avec les médicaments qu’il a sous la main. Puisqu’il n’a plus de pilules, il appelle ses voisins en aide. Sandu et Miki, les voisins interrompus dans leur activité domestique, se portent à son secours. Ce qui semblait être un mal de tête, causé par l’abus d’alcool, s’avère être une infection plus sérieuse quand M. Lazarescu vomit du sang. Finalement, l’assistante médicale de l’ambulance arrive. Sentant l’haleine alcoolique du patient, elle lui administre des vitamines et du glucose mais, après une investigation plus sérieuse, elle décide de l’emmener à l’hôpital suspectant une tumeur au côlon. À l’hôpital, les choses se compliquent…

Critique du film

Fer de lance de ce qui fut appelé « La Nouvelle Vague roumaine » et Grand Prix Un Certain regard en 2005, La Mort de Dante Lazarescu est curieusement disponible sur Netflix. Soit le lent voyage d’un vieil homme malade attendant d’être soigné, ou juste que sa douleur cesse. Empruntant à Cioran comme à Bela Tarr, mais cultivant un hyperréalisme cruel, le film de Cristi Puiu est une expérience de visionnage cynique sur l’absurdité de la condition humaine. Comme quoi les voix de la plateforme sont vraiment impénétrables. 

L’appellation « Nouvelle Vague roumaine » regroupe des cinéastes très différents, sans lésiner sur la pluralité des genres. Qu’ont en commun La Mort de Dante Lazarescu, 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu, Football infini de Corneliu Porumboiu ou « Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des Barbares » de Radu Jude ? A priori rien, la Nouvelle Vague roumaine assume une grande diversité de tons et de genres. Toutefois, on pourrait rassembler ces films et ces intentions sous l’étendard de la condition humaine dans tout ce qu’elle a d’absurde, sous toutes ses contraintes sociales ou philosophiques. Comme le résume justement Cristi Puiui : « Il n’y a pas de nouvelle vague roumaine, juste des réalisateurs désespérés ». 

Le désespoir est une notion centrale dans La Mort de Dante Lazarescu. Le spectateur est pris par un sentiment de désolation devant la situation, pourtant simplissime, qui accable le vieil homme. Il ne s’agit pourtant que d’un homme malade, en fin de vie, qui appelle les urgences pour qu’on s’occupe de lui. Mais de cette situation anodine, le film va déployer une expérience de solitude et d’attente. Pour créer cette ambiance, La Mort de Dante Lazarescu repose sur une mise en scène sans artifices, privilégiant les longs plans-séquences. En cela, on pourrait presque rapprocher le film de Cristi Puiu du cinéma de Bela Tarr. Là où le cinéma de Bela Tarr, avec sa musique et ses lents mouvements de caméra, dépeint une misère qui en devient presque épique, celle de Cristi Puiu, totalement silencieuse, avec une caméra flottante et tremblante. L’approche de La Mort de Dante Lazarescu est cruellement réaliste, presque documentaire. 

De l’inconvénient d’être vieux

Cette approche est profondément teintée d’ironie, que ne renierait pas des auteurs comme Cioran, voir carrément d’absurdité. Pendant près de 2h30, Puiu suit les pérégrinations d’un homme se sentant juste mal, qui attend impuissant que l’on s’occupe de lui, sous le regard de ses voisins, des infirmiers, des médecins. Une impuissance physique mais également morale à laquelle doit faire face Dante Lazarescu. Son alcoolisme, que l’on assimile à sa situation sociale et financière, est durement réprimandée par les médecins. Une posture morale face à une posture sociale qui rappelle celles dans laquelle se trouvent les héroïnes de Quatre mois, trois semaines et deux jours. Une dichotomie des postures qui symboliserait la société roumaine face à ses propres contradictions : une recherche d’ordre et de droiture morale dans un environnement qui ne le favorise en rien. 

L’ironie est telle que le spectateur en vient presque à souhaiter ardemment que l’attente de Dante Lazarescu arrive à son terme, en bien comme en mal. Parce qu’elle est centrale, parce que notre œil de spectateur est vissé dessus, on croit cette situation extraordinaire, alors que pas du tout. Cette expérience lente, cruellement anodine, devient in fine saisissante et existentielle. La question de vie ou de mort de Dante Lazarescu, inexorable, n’est finalement qu’un grain de sable dans ce triste petit cosmos roumain.  


Disponible sur Netflix


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