LA MORT DE STALINE
Dans la nuit du 2 mars 1953, un homme se meurt, anéanti par une terrible attaque. Cet homme, dictateur, tyran, tortionnaire, c’est Joseph Staline. Et si chaque membre de sa garde rapprochée – comme Beria, Khrouchtchev ou encore Malenkov – la joue fine, le poste suprême de Secrétaire Général de l’URSS est à portée de main. (Inspiré de faits réels…)
L’amoral, par amour du goût ?
Du régime Stalinien, on connait les grandes lignes historiques : son massacre de plusieurs dizaines de millions de personnes, ses purges qui empêchèrent les opposants de s’élever face à la tyrannie mais aussi les tractations les plus macabres qui firent et défirent ce régime. Ici, le réalisateur de In the Loop, Armando Iannucci, se livre à un exercice aussi délicat qu’original. En effet, il raconte la lutte pour la succession de Staline en y injectant des acteurs anglophones et un humour grinçant faisant de ce film bien plus qu’une simple reconstitution historique. Ceci offre une originalité qui détonne avec le propos résolument sérieux que tente d’évoquer le film.
On retrouve ainsi une jolie troupe d’acteurs jouant des figures historiques marquantes. On trouve par exemple Steve Buscemi dans le rôle de Nikita Krouchtchev, Simon Russell Beale dans le rôle de Lavrenti Beria ou encore un hilarant Rupert Friend dans le rôle de Vassily, fils de Staline. Cette galerie riche est un point fort du film car le parti pris oblige les acteurs à passer d’un registre comique à un registre profondément dramatique rapidement et sur cet aspect le film est une complète réussite. En effet, les diverses situations comiques comme la découverte du corps de Staline ou encore la scène d’introduction avec une discussion surréaliste entre deux employés d’une salle de concert sont autant de moments savoureux qui déclencheront l’hilarité à coup sur. Mais cette volonté de faire d’un événement tragique une comédie est aussi originale que limitée dans la durée.
En effet, si le film déploie de grands efforts pour faire rire le spectateur, il n’en oublie pas la gravité des événements relatés. La mort de Staline n’a pas résolu le problème des purges évoquées à plusieurs reprises et la course mené par Krouchtchev et ses comparses n’est autre qu’une lutte pour rester en vie car la disparition de Staline n’a pas fait disparaitre la terreur régissant le pays. Au contraire, la lutte entre ses fidèles et les réformateurs passe au stade supérieur et se révèle être une course contre la mort dans laquelle les coups bas sont monnaie courante. Sur ce point, le film perd en qualité car le propos politique et la modélisation de la terreur qui régnait perdent en intensité devant l’avalanche d’humour qui cache bien trop la déferlante mortuaire qu’a engendré la mort de Staline. Concilier l’humour à un propos politique sérieux est une tache délicate et l’on ne peut se résoudre à être pleinement satisfait d’un tel traitement. On oscille entre l’hilarité et la brutalité un peu trop rapidement, là où l’instauration d’une tension croissante aurait pu apporter bien plus d’épaisseur à une histoire qui n’en manque pourtant pas s’il on s’en tient aux récits historiques. On saluera néanmoins l’acuité de la reconstitution historique tant dans les décors que l’ambiance qui offrent une immersion salutaire et immédiate.
Drôle et féroce dans sa critique politique, La Mort de Staline est un film agréable à suivre mais qui manque d’envergure à cause, notamment, d’un déséquilibre tragi-comique qui nuit à la retranscription de la brutalité d’une époque loin d’être révolue dans la Russie actuelle.
La fiche