LA SALLE DES PROFS
Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.
Critique du film
« Ce qui se passe dans la salle des professeurs reste dans la salle des professeurs. » déclare le personnage de Carla Nowak dans le film d’İlker Çatak. Lorsqu’on est collégien, on associe la salle des profs à un lieu inaccessible, qui impliquerait l’autorité et donc la sécurité. Dans La salle des profs, cette pièce devient pourtant l’épicentre d’un événement qui va mettre à mal l’équilibre du collège tout entier. Un équilibre que le cinéaste dépeint en mutation, notamment en matière de communication : les parents s’organisent en externe et communiquent à travers un groupe Whatsapp, les élèves publient un journal engagé, tandis que la direction force la délation, suite à une série de vols ayant eu lieu dans l’établissement.
Carla Nowak est une enseignante d’une trentaine d’années, d’origine polonaise et arrivée au début du semestre au sein du collège où se déroule le film. Elle tente d’instaurer un lien de confiance et de respect avec ses élèves, notamment à travers des petits rituels de salutations et de retour au calme. De sa vie en dehors du collège, nous ne savons rien. Nous ne connaissons ni son entourage, ni son domicile et İlker Çatak nous donne à voir uniquement ce qui se passe pendant ses journées de travail. C’est à travers son point de vue que nous pénétrons, tels des infiltrés, dans ce microcosme scolaire.
Désapprouvant les méthodes employées par la direction pour trouver le coupable des vols, Carla Nowak décide de mener l’enquête en laissant la webcam de son ordinateur portable allumée dans la salle des professeurs. Alors que les élèves étaient les premiers suspects, elle découvre que la secrétaire de l’établissement pourrait bien être impliquée dans l’affaire. Débute alors une véritable paranoïa entre des professeurs, des élèves et leurs parents, divisés par les soupçons. En voulant faire le bien et rétablir la vérité, Carla Nowak va raviver les braises de problématiques qui questionnent le respect de la vie privée, les discriminations ou encore les limites des métiers de l’enseignement.
À travers le dilemme moral d’un personnage féminin tout en nuances, incarné par la fascinante Leonie Benesch (The Crown, Le Ruban Blanc), La salle des profs s’intéresse à l’école comme miroir de notre société. Au-delà d’ouvrir le débat sur la gestion d’une telle crise en milieu scolaire ou de manière plus générale, sur le fonctionnement du système éducatif, İlker Çatak explore la question de la recherche de la vérité. En mettant en scène les comportements imprévisibles des différents personnages animés par cette quête, le long-métrage donne à constater sa complexité. Car comme l’évoque le mémorable Anatomie d’une chute de Justine Triet, en l’absence de preuves suffisantes, ne doit-on pas s’en remettre à ses plus intimes convictions ?
Avec La salle des profs, İlker Çatak livre ainsi un film efficace et surprenant, qui évolue sur le fil du thriller, jusqu’à un final d’un symbolisme ingénieux.